Suite aux deux belles double pages consacrées à Residue dans les Cahiers du Cinéma, la découverte de Merawi Gerima, un réalisateur qui a visiblement des choses à dire, s'impose.
Jay, un cinéaste en devenir, revient dans son quartier natal et découvre avec stupéfaction les changements démographiques qui s’y sont opérés. En partie inspiré de l'enfance du réalisateur, le film va sans cesse alterner des flashbacks teintés d’un flou sépia et au son étouffé, comme pour traduire des souvenirs troubles. Le quartier est ici gentrifié, des personnes blanches s’y sont installées ; le réalisateur dénonce cet embourgeoisement où les afro-américains sont perdants. Les blancs ne sont que des silhouettes dont on distingue seulement la couleur de peau, leur visage n’est jamais vraiment montré, contrairement à ceux des noirs.
Le film essaie donc de « donner de la voix à ceux qui n’en ont pas » : à travers Jay, Merawi Gerima énonce le projet de son oeuvre. En manifeste l’ouverture du film : des protestations contre les effets de cette gentrification. Les blancs sont visiblement dans l’incompréhension de ce qu’ils ont fait subir aux habitants du quartier qu’ils remplacent, le film se fermant sur un rouage de coups par Jay qui crie « this is my home » ; puis la discussion de deux blancs, sur le balcon, évoquant le « ménage » qui a été fait pour que les afro-américains déguerpissent.
On assiste donc à la naissance de ce réalisateur qui a de belles idées de mise en scène, en témoigne l’avant-dernière séquence, dans la prison, où la discussion entre les deux personnages les fait revenir en enfance, là où tout était bien.