Ah... Mélanie Laurent. Les plus aimables de ceux qui ne l'apprécient point la salueront pour sa performance dans son dernier film, Respire, car elle n'y joue pas. J'ai pu voir ce film à l'occasion d'une avant-première en présence de la réalisatrice, et une personne de l'audience souleva une question intéressante que je me posais bien tôt dans la vision du film. Je vais ici la généraliser : Quelle part de lui-même un réalisateur place-t-il dans un film, sachant, dans le cas intéressé, qu'il a lui-même été acteur ?

Avec ce film, la question est toute posée, Mélanie Laurent avoue bien vite qu'elle adapte librement un roman éponyme d'Anne-Sophie Brasme, et qu'elle s'inspire de sa propre adolescence pour le réaliser. Des inspirations pour ainsi dire précises, soit. En a-t-elle d'autres ? Commençons par parler du film. Il raconte l'histoire de Charlie, 17 ans, sage comme une image, et Sarah, d'un culot troublant, qui marque vite son territoire entre les murs du lycée.
Quoi de mieux pour représenter l'adolescence qu'avec un plan de chambre au niveau du sol, des Converses ? Voilà quelque chose qui paraît bateau. Pour ma part, cela reste une manière parmi d'autres plus subtiles de montrer une jeunesse. Là semble être une grande question de Mme Laurent, 31 ans. De l'alcool, des culs bourgeonnants, des fêtes endiablées au rythme des dernières productions électroniques : c'est si grossier mais si vrai, ça fait penser à La Vie d'Adèle, vraiment. Mr Kechiche, 53 ans s'est aussi arrêté sur le sujet. Et si je parle de lui, ce n'est pas gratuitement, car Respire m'a tant rappelé son film palmé que j'avais peur de voir Charlie embrasser Sarah. L'action de recherche est très proche, Emma intrigue Adèle autant que Sarah pour Charlie (Lou de Laâge a un côté Léa Seydoux, probablement le bon). La quête n'est pourtant pas la même, bien que Sarah attire intensément Charlie, plus pour l'image qu'elle renvoie.
Finalement, la première n'est qu'une image frénétique vue par la jeune sage. Une image, comme nous le montre le cinéma ontologiquement, n'est pas le réel. Ce n'est qu'une représentation, du faux. Est-ce que cela justifiera les plans clichés de la réalisatrice le long du film ? Ces plans signifieraient pour moi une certaine vision, plutôt innocente, du personnage principal sur la vie qui l'entoure. Ce n'est pas l'intention de Mélanie Laurent, malheureusement - de son propre aveu, mais mon interprétation (joie pour elle), vis-à-vis de ces plans vus et revus persiste. Bref, c'est quand on arrive a un plan de travelling latéral très original que le personnage découvre une triste vérité. On sortirait du bateau, du simple, pour rentrer dans un monde plus complexe, splitté, dans lequel on va comprendre.

Mais pour la jeune fille, cette compréhension ne suffira pas. Le problème persiste, le côté diabolique de Sarah s'intensifie. Et c'est là que je reviens sur la place du cinéaste qui s'inspire de ses connaissances plus ou moins lointaines pour créer l'image Sarah. Sarah reste une image magnifiée par la vision aveuglée de Charlie, développée par l'histoire de la réalisatrice. Mélanie Laurent se trouve autant dans Sarah (pour l'idée qu'elle se fait d'elle) que dans Charlie (qui la représente à 17 ans).

La fin laisse sans voix, pendant quelques secondes ou plusieurs heures pour certains. Je spoile en disant qu'elle utilise un regard-caméra dans le dernier plan. Ce regard-là a l'intensité, l'intention du regard-caméra de Monika de Bergman, 61 ans plus tôt. Encore une fois Mélanie n'invente rien. Mais il faut avouer que cette utilisation du procédé est puissante, tant elle sera impromptue pour le spectateur. Ici, c'est vraiment tout à la fin, c'est la claque cinématographique de fin, pourtant trop facile.

Bref, avec Respire, Laurent ne fait pas avancer le cinéma, mais cela ne reste qu'une seconde réalisation. Elle joue indirectement dans le film en ne s'inspirant que de faits personnels ou adaptés. J'avoue m'être demandé ce que je faisais encore devant cet écran pendant une bonne partie du film, avant que cela devienne plus intéressant, parfois presque innovant. Je rêve qu'après avoir tourné des plans ou scènes normés, elle trouve enfin les bons moyens de les détourner. On fait du cliché, on les respire, on les détourne, c'est ce que je conseillerais, avec autant de culot que Sarah, à Mélanie Laurent, « qui fait des plans bateaux mais les justifie parfois bien. »
Louiss_Caillou
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le 8 oct. 2014

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Louiss Caillou

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