Le temps des regrets.
Venu à New-York pour promouvoir son dernier roman, un écrivain croise la route de son amour de jeunesse, devenue avocate. Ils vont décider de se revoir le temps d'un week-end, au nord de la ville...
Par
le 7 nov. 2020
2 j'aime
⚠️ Une maintenance est prévue ce Mercredi 4 décembre de 9h00 à 13h. Le site sera inacessible pendant cette période.
"Montauk", équivalent amérindien de "Finistère", "Finis terrae", la fin de la terre ferme... Une "fin", une extrémité, vers laquelle un "retour" serait pourtant possible ? "On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve"... Le constat héraclitéen, constat en forme d'arrêt, pourrait-il être contourné...? C'est toute la question posée par ce dernier film de Schloendorff, la première de ses réalisations à s'ancrer dans un monde résolument contemporain. Contemporanéité à laquelle ne serait pas étrangère l'implication personnelle des deux co-scénaristes, le réalisateur lui-même et Colm Toibin, adaptant de plus en plus librement, au fil des réécritures, le livre de Max Frisch, "Montauk" ?
Le film s'ouvre sur un long monologue, face caméra, de Stellan Skarsgård, acteur suédois dont on a déjà apprécié la présence à la fois massive et subtile, essentiellement dans "Refroidis" (2014), de Hans Petter Moland https://www.senscritique.com/film/Refroidis/10910015 et "Breaking the Wawes" (1996), de Lars von Trier, mais aussi dans "Dancer in the Dark" (2000) ou "Melancholia" (2011), du même. Ici se livre, d'emblée, une confession, très intime, sur les regrets d'une vie... Le cadre n'est pas posé et abandonne le spectateur à ses conjectures : cadre religieux, psychanalytique, amical, amoureux... ? Les applaudissements qui éclatent nous arrachent à ces sphères de l'intimité et du secret, bousculant nos apriori sur la question de ce qui peut se dire et à qui : il s'agissait d'une lecture en public, par l'auteur lui-même, Max Zorn (joli mélange nominal entre Max Frisch, l'auteur du livre-source, et l'écrivain suisse-allemand Fritz Zorn, éminemment tourmenté), de son dernier ouvrage en date...
Une série de conférences données par cet auteur reconnu l'a reconduit à New-York, ville d'un ancien amour, lien que son écrit autobiographique semble regarder comme "le seul qui ait réellement compté"... C'est Rebecca, incarnée par la merveilleuse actrice allemande Nina Hoss, oscillant toujours, film après film, entre force et vulnérabilité, dureté et hypersensibilité ("Yella" et "Jerichow" (2009), "Barbara" (2012), "Phœnix" (2015) de Christian Petzold, le superbe "Gold" (2013) de Thomas Arslan). S'impose alors un désir de "retour", urgent, et qui prendra la forme d'un déplacement dans l'espace, d'un "retour à Montauk", lieu d'un bonheur fugacement entrevu et auquel Max voudrait donner une fixité définitive. Se creuse ainsi la douleur, le manque, d'un homme qui, en apparence, a tout : la reconnaissance sociale, la vie facile, l'amour de ses semblables... Et se pose la question de la possibilité des recommencements, mais aussi de la liberté de l'autre : liberté de porter son propre regard sur le lien, mais aussi d'ouvrir sa vie à un autre homme, à des chats, et de les autoriser à la combler... Le duo formé par Nina Hoss et Stellan Skarsgård est parfait, tout à la fois intense, vibrant et nostalgique, faisant apparaître la profondeur et la gravité de sentiments qui peuvent donner un axe à une existence ou la priver de son sens. Les couleurs sont pâles et froides, disant le risque d'effacement, mais le choix de cette gamme chromatique apparaît aussi comme une pudeur visant à rendre supportable l'embrasement et le tourment des consciences.
"Retour à Montauk" fait partie de ces films nécessaires, qui renvoient les spectateurs à leur propre existence et aux choix qui la construisent ou l'ont construite...
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.
Créée
le 15 juin 2017
Critique lue 1.2K fois
9 j'aime
5 commentaires
D'autres avis sur Retour à Montauk
Venu à New-York pour promouvoir son dernier roman, un écrivain croise la route de son amour de jeunesse, devenue avocate. Ils vont décider de se revoir le temps d'un week-end, au nord de la ville...
Par
le 7 nov. 2020
2 j'aime
Apparaissant comme une œuvre-testament pour Volker Schlöndorff tant celui-ci semble impliqué dans cette histoire d'amour ô combien nostalgique et mélancolique, qui, sous des airs très apaisés, cache...
Par
le 1 mai 2020
2 j'aime
On peut diviser Retour à Montauk en deux parties: la première relatant le quotidien mouvementé de Max Zorn, écrivain débarquant à New-York pour présenter son livre; puis la deuxième, toujours à...
Par
le 27 nov. 2017
2 j'aime
Du même critique
Le rêve inaugural dit tout, présentant le dormeur, Pierre (Swan Arlaud), s'éveillant dans le même espace, mi-étable, mi-chambre, que ses vaches, puis peinant à se frayer un passage entre leurs flancs...
le 17 août 2017
80 j'aime
33
Sarah Suco est folle ! C’est du moins ce que l’on pourrait croire lorsque l’on voit la jeune femme débouler dans la salle, à la fin de la projection de son premier long-métrage, les lumières encore...
le 14 nov. 2019
74 j'aime
21
Marx a du moins gagné sur un point : toutes les foules, qu’elles se considèrent ou non comme marxistes, s’entendent à regarder le travail comme une « aliénation ». Les nazis ont achevé de favoriser...
le 26 août 2019
71 j'aime
3