Return of the Deadly Blade est la première réalisation de Taylor Wong. Taylor n'est pas le réalisateur le plus connu de l'ancienne colonie britannique et pour cause ! Ce qui le caractérise, c'est une sincère ambition de bien faire à chaque fois trahie par son talent insuffisant. Ainsi, quand il s'attaque (à deux reprises !) au remake de la mythique série des Bhudda's Palm, il ne parvient qu'à faire un espèce de grand jeu vidéo psychotronique. Autre exemple, Stars and Roses, tentative de film politique à la Ann Hui au discours simpliste. Si l'on voulait jouer au jeu des comparaisons, on pourrait comparer Taylor à Tsui Hark... Mais un Tsui Hark raté ! Heureusement, il a également quelques réussites à son actif comme Triads - The Inside Story ou ce Return of the Deadly Blade.

Pour cette première réalisation, Taylor s'inscrit dans les pas d'autres metteurs en scène. Ceux de la nouvelle vague d'abord comme Tsui Hark ou Patrick Tam à travers une réinterprétation du Wu Xia Pian. Mais la filiation la plus évidente se fait par rapport à Chor Yuen. Return of the Deadly Blade est en effet une adaptation de Gu Long dont le spécialiste est justement le réalisateur de Black Rose et Intimate Confessions of a Chinese Courtesan. Constamment, un peu comme Butterfly Murders, Return of the Deadly Blade oscille entre ces deux orientations, traditionnel d'un coté et plus moderne de l'autre.

Ne nous leurrons cependant pas, les aspects les plus innovants du film ne sont pas dus à la volonté de Taylor Wong. Le recours à de nombreux extérieurs (à contrario des décors de studio de la Shaw Brothers) tient avant tout à des impératifs budgétaires. De même, les combats, dynamiques et aériens, sont l'œuvre exclusive du grand Tony Ching Siu Tung. Le chorégraphe n'a pas encore totalement affirmé son style comme il le fera avec sa première réalisation mais on y trouve déjà certaines de ses grandes figures de style : Ninjas ultra rapides, embuscades sur l'eau et autres trouvailles chorégraphiques (un combat en chaise roulante !).

Mais tout cela n'est que de la forme. Le fond, lui, est 100 % Ku Lung et donc proche des œuvres de Chor Yuen, son illustrateur le plus brillant (cf : Killer Clans). Manipulations et mensonges sont la règle. Les deux personnages principaux sont, chacun à leur façon, victime de règlements de comptes et de coups fourrés. Ils sont de vraies marionnettes entre les mains de mystérieuses puissances. Ku Lung n'est pas un maître du genre pour rien. Le scénario (finalisé par Yue Cheng, qui d'après des sources contradictoires pourrait être un pseudonyme de Chu Yuan !) est bien construit, réservant des moments où les personnages peuvent se livrer et approfondir leurs sentiments (le rapport entre David Chiang et sa fiancée par exemple). Les méandres du récit ne perdent jamais le spectateur, le maintiennent constamment intéressé tout en livrant la quantité de combats attendus. Toutes ces qualités ne sont cependant pas forcément exploitées au maximum par Taylor Wong. Ce dernier peine à faire le lien entre les deux personnages principaux et ne souligne pas assez certains points clés du récit (l'amour que Kurata ressent). Heureusement, ces défauts mineurs n'altèrent pas fondamentalement la qualité générale de l'ensemble.

Le casting du film combine valeurs sures du genre (David Chiang, Norman Chu...) et talents nouveaux (Flora Cheng, Yasuaki Kurata). Les vétérans sont, comme on pouvait s'y attendre, impeccables. David Chiang a mis au placard ses petits sourires en coin et délivre une prestation sérieuse, quasi dramatique. Le plus étonnant tient peut être à sa bonne tenue dans les chorégraphies. L'univers du Wu Xia Pian et le style de Ching Siu Tung semblent lui convenir mieux que le Kung Fu old school. A ses cotés, Norman Chu joue un personnage mystérieux, ambigu. Un registre habituel pour lui et qu'il honore encore une fois de ses talents. L'aspect le plus intéressant de la distribution, c'est le premier rôle de Yasuaki Kurata. L'artiste martial Japonais n'est pas un novice dans la cinéma Hong Kongais. Avant Return of the Deadly Blade, il était déjà apparu dans une bonne poignée de films dont quelques œuvres majeurs (Heroes of the East). Ce film représente d'une certaine façon l'apothéose de sa carrière à HK puisqu'il se voit confier un premier rôle positif, comme aurait pu l'être une star locale. Kurata ne laisse pas filer sa chance et joue son personnage de guerrier playboy à fond. Son charisme et ses talents martiaux crèvent l'écran. Avis aux fans !
Les amateurs de super kickers seront par contre déçus. Hwang Jang Lee n'apparaît qu'une poignée de secondes, en introduction, avant de disparaître pour de bon. Quand à Bruce Leung, il ne fait guère mieux, participant à un sympathique mais unique combat.

Œuvre à cheval entre deux époques, Return of the Deadly Blade parvient à combiner le meilleur des deux tendances. Seuls les limites de son réalisateur et le manque d'affirmation stylistique (dans un sens ou un autre) empêchent le film de se placer parmi les titres majeurs du genre. A défaut, il demeure un bon petit Wu Xia Pian que les fans ne manqueront pas d'apprécier.
Palplathune
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le 25 févr. 2011

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