Réveil dans la terreur est un film comparable à peu d'autres dans l'histoire du cinéma. Il nous entraîne dans ce que l'on pourrait qualifier d'un "cauchemar éveillé", dans le sens où une floppée d'actions malsaines s'enchainent dans la vie du protagoniste de manière presque incontrôlable. Tout semble nous faire penser à un cauchemar mais d'un autre côté, tout est profondément réaliste, ce qui contribue à construire cet univers oppressant très bien maîtrisé par le réalisateur.
Mise en place de la dynamique effroyable :
Le film plonge son spectateur dans une ville étrange dans laquelle personne n'aimerait s'y retrouver vu de l'extérieur, mais qui a pourtant la capacité d'en séduire plus d'un en apparence.
Tout le monde boit jusqu'à atteindre l'ivresse, rigole à gorge déployée, dépense son argent sans compter. Tout semble pouvoir être pris à la légère à longueur de journée, et c'est bien le problème puisque les gens finissent par devenir des êtres méprisables, détestables, commettant des actes de débauchés soumis à des pulsions purement bestiales et rien d'autre.
John Grant commence son propre enfermement en jouant à un jeu d'argent qui pourrait l'extirper de sa condition de vie qu'il déteste. Evidemment l'appât du gain va l'entraîner irrémédiablement vers d'autres vices, qui restent néanmoins permis à cause de relations à autrui néfastes. Il y a donc comme une absence de contrôle sur nos prises de décision, ce qui pourrait ouvrir une nouvelle fois la question de la part de liberté que nous avons réellement sur nous-mêmes. Ainsi on remarque que l'individu isolé, qui plus est lorsqu'il n'est pas au meilleur de sa forme, se trouve faible face au groupe.
La situation de John Grant empire de jour en jour. Chaque éveil est une nouvelle entrée dans la terreur car s'il parvient à prendre légèrement conscience de sa situation dans ces différentes phases, il replonge très vite par de petites choses qui semblent anodines en apparence mais qui le maintiennent dans ce conditionnement terrible.
La haine de soi :
Le film exploite également la thématique de la haine de soi, dans la mesure où nous sommes face à un individu qui n'aime pas son activité professionnelle, qui n'a pas l'air d'aimer les quelques relations sociales qui s'offrent à lui. Au fond, quelqu'un qui n'aime pas véritablement sa vie.
Finalement, cette haine de soi va trouver une exploitation totale lorsqu'il va se retrouver prisonnier de cet endroit cauchemardesque puisqu'il sera à deux doigts de se suicider à la fin du film avant d'avoir entrevu l'idée de tuer un homme. On voit alors que le film renvoie sans cesse le spectateur au problème fondamental de la vie de cet homme que l'on suit depuis le départ.
Tout ceci pour expliquer que le réalisateur traite de cette séduction de la nouveauté, de la séduction des belles apparences lorsque la vie devient triste, morne, sans saveur particulière.
Rapprochements avec d'autres œuvres culturelles :
Si je devais rapprocher ce film si atypique d'autres œuvres cinématographiques, trois titres me viendraient en tête : La Femme des sables (1964) ; Eyes Wide Shut (1999) et mother! (2017).
Cela peut paraître surprenant à première vue compte tenu du fait que ces films traitent de thématiques différentes de celles traitées dans Réveil dans la terreur. Toutefois, s'il y a bien quelque chose qui les unit c'est l'ambiance générale de ces œuvres. Effectivement, on joue sur l'angoisse, l'étrangeté, l'absurdité, l'onirisme, le décalage, etc. tant d'éléments qui font que ces films ont des points de convergence intéressants.
Evidemment, comme le titre l'indique, cette expérience cauchemardesque n'est pas sans rappeler brièvement l'univers littéraire de Franz Kafka. En effet, on a également le droit ici à un personnage isolé face à une multitude d'autres complètement en marge de la société qui font vivre au protagoniste des situations absurdes le conduisant tout droit vers une boucle intemporelle dans laquelle il lui est impossible de refaire surface. Boucle dans laquelle tout semble être parfaitement normal pour tout le monde, ce qui est d'autant plus troublant. Seule cette fin s'éloignerait du style de Kafka, mais on y ressent tout de même une étrange similitude fort plaisante puisque peu de films proposent de plonger le spectateur dans une telle expérience visuelle.
Un final néanmoins peu convaincant :
Je regretterai néanmoins cette fin qui me semble problématique. Je trouve que le réalisateur avait la possibilité d'appuyer sur l'onirisme de son film pour troubler davantage le spectateur sur la question du cauchemar et de la réalité, laissant place à une fin interprétative croustillante. Et si le réalisateur souhaitait poursuivre son idée d'une histoire réaliste bien que troublante afin de faire émerger évidemment nombre de sujets, il aurait peut-être été préférable (à mon sens bien sûr) d'enfermer son protagoniste dans ce rouage éternel sans qu'il puisse s'en sortir aussi facilement que ce que nous montrent ces cinq dernières minutes du film un poil décevantes après sa sortie de l'hôpital. Il est évident que le réalisateur a entrepris ce qu'il voulait, ce sont des réserves personnelles qui expliquent que ma note ne sera pas plus élevée.
Cela dit, ce film est une expérience si particulière dans son genre qu'il est intéressant de le visionner au moins une fois puisqu'il fait partie de ces œuvres qui sortent le spectateur de sa zone de confort cinématographique.