Ah la Saint-Sylvestre, cette fameuse journée qui vient s’intercaler après Noël et la nouvelle année, où les gens chantent et font la fête à tue-tête en picolant comme des trous sauf pour le commis de soirée. Un joyeux moment hypocrite où l’on se promet que cette fois-ci, on se tiendra à ses résolutions. Que l’on fera régime. Que l’on arrêtera d’aller consulter des sites pornos, et qu’on passera plus de temps à s’occuper du jardin et de la maman. Mais on ne peut pas, et il ne faudra pas plus d’un mois pour s’asseoir sur ses belles promesses. Et pour ceux qui comme l’auteur de ces lignes sont (frustrés) anti-réveillons, n’ont aucun amis et ont eu assez de supporter leur famille à Noël, il y a : Bloody New Year, le dernier film de la carrière de Norman J. Warren.
Pour la petite histoire, le réalisateur a copieusement maudit ses producteurs pour l’avoir mis en situation d’échec, fautes de moyens financier alloués à cette entreprise. L’intérêt sera donc à géométrie variable selon l’attachement et/ou l’intérêt que l’on peut bien porter au film. Certains n’y verront qu’un copieux navetons. D’autres découvriront les restes d’un cinéaste de talent qui ne ménageait pas ses idées les plus folles quitte à se couvrir de ridicule et à achever le peu de crédibilité qu’il avait construit jusqu’ici.
Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir fêter le nouvel an en plein mois de juillet sur une île paradisiaque totalement coupé du reste du monde. Mais avant d’en arriver là, le public assistera aux échauffourées d’un groupe de jeune blanc-bec aux prises d’un groupe de gens du voyage après avoir foutu le boxon dans une fête foraine. Ces derniers vont les traquer jusqu’à cette plage exotique entouré de barbelés, de sable mouvant, de reste d’animaux morts et d’un panneau où il est écrit « Danger, Keep Out ». Difficile d’être plus explicite. Vous ne vous en doutiez peut-être pas, mais des événements étrange ne vont pas tarder à se manifester à leur arrivée à l’hôtel.
Evil Dead Trap
Les appareils électroménagers se mettent en marche forcé, des buissons ardents sont pris de crise de délirium, le salon de l’hôtel se transforme en glacière réfrigérante, et la rampe d’escalier mord les gens. Les jeunes seraient-ils les victimes de pouvoirs occultes ou d’une simple hallucination collective ? Nous pencherons plutôt sur la première option, en considérant l’apparition de plusieurs zombies et fantômes dans la maison, quand ce n’est pas carrément un personnage fictif sortant de son écran pour s’attaquer aux spectateurs. Face aux attaques des filets de pêches et des bobines de film, les survivants n’auront d’autres choix que de se séparer pour explorer l’île et disparaître plus facilement les uns après les autres. C’était les années 80, une époque où les adolescents interprétés par des adultes de 30 ans pensaient moins avec leur neurone qu’avec autre chose.
Là où d’autres cinéastes auraient cherchés à composer une atmosphère lugubre et oppressante avec une rétention absolue d’effet, Norman J. Warren préfère verser dans le théâtre du bizarre et l’humour anglais. En résulte une ambiance schizophrène, à cheval entre l’horreur et la satire délirante. Jamais le public n’aura le temps de voir l’ennui poindre le bout de son nez tant le film dispense ses extravagances et séquences horrifiques de manière aussi ascensionnel qu’un tour de train fantôme.
Le Rasoir d’Ockham
L’hommage aux années 50 est clairement revendiqué par son réalisateur se complaisant dans un kitsch assumé (cette forêt de miroirs évoquant un palais des glaces). La dimension cauchemardesque de l’environnement tient certainement beaucoup aux Griffes de la Nuit, jusqu’à l’utilisation de spandex recouvrant les parois d’une cabine d’ascenseur permettant d’engloutir les survivants et de les intégrer aux murs de l’établissement. L’influence la plus évidente restera néanmoins lié au chef d’oeuvre de Stanley Kubrick (Shining) auquel il ne manque finalement que les geysers de sang.
Les trucages et effets de plateaux renforcent l’aspect farce et attrapes du lieu et permettent même de fomenter une hypothèse digne d’un Rasoir d’Ockham. En effet, les personnages pourraient bien ne jamais avoir quitter le manoir hanté dans lequel leur véhicule s’était encastré et qu’ils aient finis par se faire massacrer par des péquenauds ultra vénère. Le dernier acte appuie d’ailleurs cette théorie avec son mobilier vivant, ses hurlements d’esprits démoniaques, et l’utilisation de couleurs saturés et de flashs stroboscopiques renvoyant à cette partie de cache-cache entrevu tantôt dans le film. Cette explication est du moins beaucoup plus plausible qu’une distorsion temporelle provoqué par le crash d’un avion avant le passage à l’année 1960. L’explication la plus simple est souvent la meilleure. Et d’ailleurs, plutôt que de chercher systématiquement à bien commencer l’année, commencez déjà par bien la terminer.
En cette période de festivités où il convient de se réunir en famille, d'ouvrir les cadeaux et de déguster une bonne pintade fourrée. L’Écran Barge vous propose de déterrer la hache de guerre en pervertissant l'esprit de Noël. Cette sélection de films saisonniers accompagnés de critiques virulentes et acerbes est donc réservés aux viandards, aux bisseux, aux tueurs de masses, aux durs à cuirs, aux frustrés et à tous ceux qui ne croient plus aux bons sentiments et à la paix dans le monde depuis bien trop longtemps.