Michael Mann est un homme des duos, souvent mythiques, toujours détonants. Il avait fait mouiller toutes les culottes des garçons en mettant en scène Al Pacino et Robert de Niro dans un duel épique, avait fait tourner les têtes avec un Tom Cruise impérial aux tours déjoués par un Jamie Foxx que l'on retrouva d'ailleurs dans le film suivant aux côtés du moustachu Colin Farrel.
Mais on oublie trop souvent ce film encore trop méconnu dans l'oeuvre de l'esthète Michael Mann, aux films pour bad boys sensibles aux virées violentes, amoureuses, urbaines et nocturnes, bien sûr. Musicales aussi, et en confiant la partition à Lisa Gerrad et Peter Bourke, Michael Mann ne fait pas d'erreur ; au détour d'une autoroute empruntée la nuit, éclairée par des réverbères floutés, une voitures brûle, gratuitement, et la voix puissante et orientale de Lisa Gerrad résonne.
C'est tout d'abord cela Révélations, avant même d'être une enquête passionnante et haletante, jouée magistralement et mise en scène avec brio.
C'est tout d'abord les mains tremblantes, le pas hésitant et le regard brumeux d'un Russell Crowe bon comme il ne le sera plus jamais, émouvant en bouffi perdu dans une affaire dont il ne préméditait pas l'impact mondial et personnel, surtout. Car on sent bien que l'enquête, en soi, la révélation n'est pas l'objet principal du film, quoique veuille bien nous faire comprendre son titre. L'interview centrale de l'intrigue est pourtant enregistrée au bout d'une heure et quinze minutes de film ; c'est vite expédié. Car l'objet est ailleurs. Des personnages disparaissent, des ellipses importantes s'imposent. L'intrigue en cela est un pari osé qui propose de vraies évolutions (autant dans la vie des personnages que dans leurs rapports entre eux), montrant le talent scénaristique du réalisateur qui nous tient en haleine et nous passionne comme rarement sur près de 2h40 ; Mann s'amuse en se réappropriant tous les codes solides du film de journalisme (un genre toujours brillant en soi) pour les retourner dans une dénonciation paranoïaque d'un système qu'il condamne avec une froide ironie, à l'image de ce plan final.
Pas encore dans le numérique, mais vers la fin de la pellicule, Michael Mann livre ici un style d'image brillant, comme toujours, qui trouve de plus en plus sa patte (gros plans, images récurrentes...) et qui s'imposera plus tard par sa nervosité numérique et son grain si particulier.
Mais avant cela, Michael Mann réalise encore un chef d'oeuvre qui, au niveau des cadres et des plans, est esthétiquement son meilleur, à ranger aux sommets de sa filmographie.