Fort d’une promotion marketing opportuniste et rentre dedans, Revenge sort au moment opportun, entre l’affaire Harvey Weinstein et le mouvement Balance ton Porc, nanti d’une jeune réalisatrice française à sa tête passé par Science Po et la Fémis, les espoirs étaient donc permis pour bousculer le cinéma de genre français engoncé dans les conneries de comédies de Dany Boon. Finalement il n’en sera rien malgré un soutien considérable de la presse. Oui il peut être agaçant de considérer le film comme un brûlot féministe surtout si on le replace dans son genre de prédilection qu’il ne fait finalement que dépoussiérer. Inutile de dire que l’effort de Coralie Fargeat ne brille donc pas par l’originalité de son scénario ni même pour son traitement psychologique qui de ce point de vu là ne risque pas de faire d’ombre à La Traque de Serge Leroy. Au contraire, Revenge s’inscrit plutôt dans le giron du traditionnel Rape and Revenge dont il tire son nom, une catégorie issue du cinéma d’exploitation type « grindhouse » dont les amateurs se gavaient pour peu de frais dans les drive-in, les cinéma de quartiers puis les vidéoclub afin de satisfaire leur curiosité malsaine pour le sexe, la violence et l’irrévérence crue.
Trois têtes de con, mariés mais aussi patrons partent chasser et festoyer pour le week-end dans une villa perdu en plein désert. Une manière pour eux d’évacuer la pression autour d’une bière et de prouver leur virilité en étalant leur fortune, leur véhicule mais aussi leur conquête, du moins pour le maître des lieux qui aura cru bon de convier sa petite copine pour l’occasion. Logiquement, Jen va devenir l’objet de désir des deux autres qui profiteront que leur associé est le dos tourné pour abuser d’elle. Le viol reste toujours un passage difficile, gênant voir même insoutenable pour un public sensible ce qui fût d’ailleurs le cas de mon ex à l’époque à qui j’avais eu la brillante idée de montrer le film au cinéma après l’avoir adoré au 25ème festival de Gérardmer. Inutile de vous dire que ce fût un calvaire pour elle, même si on a vu bien pire dans le genre (Irréversible en mémoire). La réalisatrice a d’ailleurs l’intelligence de détourner son objectif sur les regards notamment celui du témoin dit « passif » dont la position s’avère moins innocente qu’il n’y paraît. Un comportement coupable qui avait déjà fait l’objet d’un film d’horreur thaïlandais intitulé Shutter en 2004. Dans un groupe d’hommes, c’est souvent le plus faible qui n’a jamais rien vu ni entendu, et vous en avez sans doute déjà croiser dans les beuveries de lycée. Dans ce genre de fraternité, il y a toujours un mâle alpha qui se taille la part du lion et guide le troupeau de moutons. Ici il s’agit de Kevin Janssens alias Richard, prototype du pervers narcissique et toxique dans toute sa splendeur d’être, roulant des caisses sur sa moto ou bien dans son 4x4 bien polluant, du genre à éteindre le climatiseur la fenêtre ouverte pour se donner bonne conscience. Vincent Colombe n’est pas en reste avec son regard reptilien et son attitude de père de famille respectable soumis à ses plus bas instincts. On dirait le croisement entre Cyril Hanouna et Benoît Poelvoorde. Enfin Mathilda Lutz incarne avec justesse cette lolita à la candeur de vivre qui va perdre toute son innocence.
L’affaire va prendre des proportions telles qu’il ne sera plus possible pour la victime d’oublier ni même de revenir en arrière malgré le deal proposé par son copain, du genre tu te tais et tu seras récompensé. Laissée pour morte, empalé sur une branche d’arbre, souillée au plus profond de son être, Jen va renaître tel le phénix de ces friches en cautérisant sa plaie avec une canette de bière dans une séquence publicitaire déguisé qui semble vanter les bienfaits de la Grimbergen. Au diable la subtilité, c’est à ce moment-là que le récit part en terrain conquis, celui de la vengeance et de la surenchère de violence ô combien cathartique. Traque haletante, course poursuite motorisée, hystérie vengeresse avec ce qu’il faut de second degrés. La réalisatrice ne s’en est jamais cachée, son film se gorge des mêmes influences que le cinéma de Quentin Tarantino. Quand Julia Ducournau tente « d’élever » et d’intellectualiser le genre en s’inspirant de David Cronenberg avec une subtile forme de mépris affichés dans les journaux télévisés, Coralie Fargeat l’aborde avec le plus grand des respects. Finalement, la propagande misandre s’efface rapidement tant Revenge reflète bien la superficialité de sa mise en scène et de ses personnages ce qui le rend parfaitement en phase avec son temps.
Si toi aussi tu es un gros frustré qui en a marre de toutes ces conneries, eh bien L’Écran Barge est fait pour toi. Tu y trouveras tout un arsenal de critiques de films subversifs réalisés par des misanthropes qui n’ont pas peur de tirer à balles réelles.