Guerre et regrets
Joe Wright est décidément un réalisateur à suivre. En effet, avant le surprenant Hanna, le réalisateur avait posé sa caméra au cœur d’une tragique histoire d’amour. Et quelle caméra ! Encore une...
le 22 sept. 2012
33 j'aime
1
Possibilité de révélations sur la conclusion du film.
Joe Wright avait déjà marqué un grand coup avec son premier film, le très bon Orgueil et Préjugés. Fort de son esthétique soignée, de ses magnifiques costumes et décors, et de la classe d'une mise en scène qui multipliait les plans séquences en leur laissant toujours une signification importante dans l'intrigue (autre que la simple volonté de montrer son talent de réalisateur), Pride and Prejudice laissait présager du bon pour la suite. Nul n'aurait pu se douter que son second film serait si réussi, qu'il nous livrerait l'une des plus belles histoires d'amour en temps de guerre qu'il est possible de voir.
Si l'on omet le fait qu'il reprend Keira Knightley dans le rôle principal, le choix de faire de James McAvoy le héros désavoué de son intrigue à ressort était, dès le départ, une excellente idée. Fils d'une bonne que l'on accuse de tous les mots, il est le parfait point d'encrage pour lancer une intrigue qui, pendant sa première heure, tiendra moins du film d'amour que du drame historique.
Atonement de son titre anglais (dont la signification est tout de même plus recherchée que la simple conclusion des passages épistolaires de Reviens-moi) est au premier abord intéressant pour le réalisme de sa reconstitution de la société bourgeoise anglaise à l'orée de la Seconde Guerre Mondiale. Désireux de nous montrer la guerre intérieure qui secoue une famille avant de nous dévoiler l'intérieur d'une guerre mondiale tout aussi dramatique pour nos héros, Joe Wright aura eu le talent de baser son intrigue sur le genre d'exaction que n'aurait pas refusé un soldat américain.
Partant d'une infamie à multiples répercussions (qui régira d'ailleurs le destin de chaque personnage), il nous emmène en terres inconnues vers une destination de cauchemar, où l'on ne voyait au départ qu'un oasis d'amour et de rêve. C'est là qu'il touche en plein centre : connaissant à la perfection les attentes de son public, Wright les manipule tout du long, au point de faire de son film jusque là scénaristiquement linéaire, une oeuvre à chute qui comporte deux twists en un, tous deux très émouvants.
Le grand talent de ces révélations renversantes vient moins de l'oeuvre que du genre auquel elle appartient : habitués que nous sommes à manger les mêmes films codifiés laissant peu de place à l'imagination, à la surprise, à des moments seulement beaux, intimes, qu'un métrage décide sans prévenir de plomber l'ambiance par une conclusion aussi réaliste que bien écrite, marquante puisqu'intervenant quand on s'y attend le moins (durant un dialogue) permet à Atonement de devenir plus qu'un film d'amour de qualité; dès lors, c'est un drame historique qui tire ses influences d'un certain Shakespeare, notamment l'idée d'un amour qui ne sera jamais possible sur Terre.
Alors, toute l'oeuvre prend un autre sens : elle devient humaine, touchante, unique. En témoigne ce magnifique plan-séquence en présentation de Dunkerk, introduit par une phrase lourde de sens donnant le ton pour la suite : la dernière partie du film tiendra du pessimisme de cette débâcle, annihilant le peu de joie du passé qu'il pouvait rester aux personnages. L'homme étant faible face à la maladie, aux bombardements, à la folie des autres, cette histoire d'amour sera forcément tragique; à Joe Wright de nous surprendre en laissant quelque once d'espoir, en témoigne l'après scène du mariage, où les personnages sont enfin réunis et où les premiers signes du climax commencent à se discerner.
Wright jouant avec son spectateur, il sait aussi satisfaire l'amoureux des images : outre le somptueux passage de Dunkerk, qui résume à peu près toute l'étendue de son talent, c'est par la maîtrise des teintes, des lumières, du soleil, des décors et des costumes qu'il arrive, en plus de rendre la reproduction immersive, à faire de son oeuvre un tableau mouvant, une peinture romantique en constante évolution.
Tout comme pour son premier film, il gère tout aussi bien les plans séquences que les plans fixes, nous offrant autant de somptueux panoramas que de visuels épurés, esthétiques par leur simplicité. Sa polyvalence est fascinante : tandis qu'il gèrera parfaitement des séquences avec un ou deux personnages, ses plans de foule criant de vivacité dévoileront avec encore plus de talent des mouvements de caméra fluides, parfaitement gérés pour montrer le quotidien des soldats, le chaos d'une plage bondée. Emplie de figurants, débordante de vie au point d'en être étouffante, la fameuse scène de Dunkerk dévoile la maestria de Wright qui réalise ici un tour de force peu commun : réaliser un plan séquence faisant avancer l'intrigue, ses personnages, son univers, et qui n'est pas fait que pour montrer au monde le talent égocentrique de son réalisateur.
C'est peut-être aussi pour cela que son oeuvre ne parvient par à atteindre des sommets cinématographiques : rien n'étant laissé au hasard, sa technicité débordant de chaque plan n'enlèverait-elle pas, finalement, le feeling nécessaire à la réalisation d'un chef-d'oeuvre? Par la grande maîtrise de son art, par son côté pictural presque plus proche d'un tableau de la renaissance que d'un film, Joe Wright ne serait-il pas passé à côté du but du cinéma, celui de faire un long-métrage indépendant, accompli en tant que film et non en tant que tableau?
Autant qu'on ressent son amour pour la peinture, certaines scènes semblent n'avoir de sens qu'en tant qu'expérience visuelle, au point de créer des personnages utiles au scénario qu'on ne développe pas vraiment; certes intéressants, Benedict Cumberbatch et Juno Temple auraient mérité une plus grande exposition. La faute à sa durée trop brève (2h00 pour un scénario d'une telle envergure), peu propice au développement d'une intrigue réellement alambiquée.
C'est une évidence, Joe Wright reste une étoile montante à suivre de très près. Une future référence des années 2000? Ses prochains films nous éclairerons sur le sujet.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Une vie de cinéphile, Les meilleurs films avec Benedict Cumberbatch, Les meilleurs films avec James McAvoy, Les meilleurs films sur un amour impossible et Les plus belles histoires d'amour au cinéma
Créée
le 13 mai 2019
Critique lue 414 fois
2 j'aime
D'autres avis sur Reviens-moi
Joe Wright est décidément un réalisateur à suivre. En effet, avant le surprenant Hanna, le réalisateur avait posé sa caméra au cœur d’une tragique histoire d’amour. Et quelle caméra ! Encore une...
le 22 sept. 2012
33 j'aime
1
Beau film qui rappelle l'existence d'un de ces vieux racismes tant ignoré (en voie de disparition?), le racisme de classe. Ce n'est pas une critique, juste quelques notes car je ne me sens pas à la...
le 2 févr. 2016
26 j'aime
7
Le premier tiers de Atonement est superbe. On nous y présente un groupe d'aristocrates anglais profitant de l'été dans une magnifique propriété à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. L'une...
Par
le 26 nov. 2014
20 j'aime
1
Du même critique
Quatre ans, c'est long. C'est très long. En quatre ans, t'as le temps de changer de meuf, de maison, de voiture, de vie; de sexualité, même. En gros, quatre ans c'est aussi long qu'attendre un film...
Par
le 24 mars 2016
42 j'aime
65
Dans le ptit bled paumé où je passe le clair de mes vacances s'est proposée une expérience pas commune : voir le film "Les 4 Fantastiques" en avant première. Nourri d'espoirs et d'ambitions, je me...
Par
le 4 août 2015
35 j'aime
42
Saison 1 : 9/10. Au cinéma, nombre de personnages se sont fait massacrés pendant des décennies, sans vergogne ou une once de progrès. Les comics aussi ont été touchés par cette mode de la destruction...
Par
le 13 déc. 2017
34 j'aime
4