Belle découverte aujourd'hui de ce film dont j'avais beaucoup entendu parler et dont je craignais surtout la façon de traiter le problème.

Je ne cacherai pas que ce qui m'a motivé dans l'achat du DVD est la présence de Virginie Efira, actrice que je ne cesse d'admirer de film en film…

Le scénario suit l'itinéraire de Mia dont le destin bascule lors d'un attentat dans une brasserie parisienne. Dès les premiers coups de feu, elle se réfugie sous une table. Blessée et traumatisée, elle ne se souvient de rien ou de simples bribes. Après une convalescence de quelques mois chez sa mère, en province, elle éprouve le besoin irrépressible de "revoir Paris" pour reconstituer le puzzle de sa mémoire et enfin pouvoir dépasser l'horreur et espérer reprendre goût à la vie.

Mais ce n'est pas simple. D'abord parce qu'il faut bien dire que si la vie s'arrête pour celui qui survit à un tel évènement, meurtri dans sa chair ou dans sa tête, la vie continue, comme si de rien n'était pour la plupart des gens. Pire, ceux (les proches, par exemple) qui n'y étaient pas ne peuvent pas comprendre et peuvent même montrer de l'agacement parce que possiblement exclus de la démarche de reconstruction.

Le scénario ne s'intéresse ni à l'aspect historique de l'attentat ni aux causes ou motivations du ou des terroristes, ni à ceux qui sont morts. Seuls importent les survivants qui doivent composer avec leur tête en vrac et une vague culpabilité de s'en être sortis. La réalisatrice et scénariste, Alice Winocour, s'inspire en grande partie du fait que son frère a justement survécu à l'attentat du Bataclan en novembre 2015.

Le scénario sonne vrai, factuel. On y croit d'abord parce qu'il ne tombe jamais dans le pathos. Ensuite, il reste concentré sur quelques personnages qu'il approfondit sans chercher l'étalage de bons ou mauvais sentiments. Par exemple, les images de l'attentat sont d'une grande sobriété et suggèrent bien plus efficacement que si la cinéaste avait versé dans un réalisme (gore) trop habituel au cinéma aujourd'hui. Je me suis juste brièvement interrogé sur le message subliminal lié à la présence d'employés de la brasserie, manifestement des gens sans-papiers, qui n'ont guère d'autres choix que de se faire discrets lorsque survient de tels évènements et de fuir sans demander leur reste. Certainement un aspect réel du fonctionnement de ces établissements qu'il me faut bien admettre. Un autre point qui m'a interpellé mais qui, à la réflexion, me semble plutôt bien vu : lors de l'errance de Mia dans Paris, la caméra se pose sur des SDF ou sur une certaine saleté de la ville. Ce que je trouve bien vu, c'est que l'œil de Mia, qui est parisienne, découvre soudain une réalité qu'elle ne voyait pas ou plus.

De même, les relations entre survivants sont intéressantes dans le sens où, contrairement à ce qu'on pourrait penser, elles ne sont pas forcément amicales ou bienveillantes comme la scène d'une grande violence (morale) où Mia se voit accuser publiquement d'un comportement inapproprié au moment de l'attentat par une autre femme survivante. C'est toujours la même histoire. On peut se reconstruire soi-même, en s'appuyant sur les autres ou, au contraire, aux dépens des autres.

Ce sont tous ces petits détails qui me paraissent contribuer à crédibiliser le scénario.

Le jeu des deux acteurs principaux est excellent. Virginie Efira joue son personnage avec sobriété et pudeur. Je dirais que c'est un peu sa marque de fabrique et certainement une des raisons qui font que je l'apprécie beaucoup. Sans oublier la douceur de ses traits, de sa voix et de son regard qui font merveille. Chez moi, bien sûr. Elle est, ici, bouleversante dans sa quête qu'elle mène avec détermination mais avec bienveillance.

Benoit Magimel est un acteur que je connais moins. J'ai bien aimé ici son personnage qui est aussi très convaincant dans sa volonté positive de s'en sortir, de vouloir tourner la page.

Au final, "Revoir Paris" est un film qui m'a tout-à-fait intéressé par sa tonalité, sa délicatesse dans le traitement d'un sujet difficile. Et puis ce film d'Alice Winocour est, quand même, porteur d'espoir …


JeanG55
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le 27 nov. 2024

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JeanG55

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