Mind Game, Lou et l'île aux sirènes ou encore l’anime Devilman Crybaby garnissent le CV de l’animateur et réalisateur Masaaki Yuasa. Son envol vers le grand écran ne fait cependant plus aucun doute, grâce à une fibre émotionnelle, qu’il est à même d’entretenir dans son espace déformé, dans une mutation permanente des formes et des couleurs. Ici, il revient peut-être avec l’emballage le plus simpliste et le plus revisité, mais sans en oublier une bonne dose de sincérité. La douceur semble être l’approche adoptée par le cinéaste, qui est loin de nous éblouir avec le même entrain que ses précédentes réalisations, en explorant les limites de son univers. En valorisant un drame intimiste et une rêverie chaleureuse, ce dernier donne néanmoins l’occasion aux jeunes adultes d’investir ce remous dans une vie, un deuil qui prend tout comme il est capable de tout donner en retour.
Hinakone rêve que de se laisser porter par la mer, qui la rejette toujours dans la même direction, afin qu’elle se tourne un peu plus sur la terre ferme, là où elle va rapidement découvrir les délices d’une vie amoureuse. Le portrait est niais et participe pourtant à tout ce que le récit cherchera à construire par la suite. La surfeuse va peu à peu souffrir de sa séparation avec son bien-aimé, Minato. Les symptômes sont étudiés avec un soin qui n’écarte pas la fantaisie et de styliser un peu plus l’état mental de la jeune fille, qui ne fait que se cacher derrière une barrière nostalgie, n’acceptant pas la réalité et une fatalité qui l’effraie quant à son avenir. L’eau qu’elle invoque, avec une mélancolie qui se ressent dans le ton, la pousse à préserver cette bulle, où elle baigne dans le souvenir et la mémoire d’un pompier, dont le devoir et la bienveillance furent à double tranchant.
La romance laisse donc place à une reconstruction, par le biais de personnages secondaires, dont le caractère peut surprendre, mais c’est également parce que la maturité n’est pas donnée à cette tranche d’âge, où l’on cherche encore à se définir pour soi et pour son entourage. Ce reflet d’elle-même, Hinako peine à le quitter, en conservant l’image d’un Minato, faisant corps avec ce qu’elle estimait de plus précieux dans ses activités. On opposera ainsi souvent les flammes d’un côté, révélatrices d’un amour naissant, mais également d’un danger, auquel l’héroïne devra faire face. Cela ne se fera ni dans la subtilité, ni dans un souffle épique. Tout apparaît dans une retenue, calqué sur l’échelle d’une peine, qui guérit inévitablement, avec des larmes et un sanglot émouvant que le spectateur est en droit de partager.
Entre « Ghost » et « PS I Love You », « Ride Your Wave » n’a pas à rougir face à ces autres œuvres antidépresseurs, plus mature dans leur ton et les problématiques auxquelles les héroïnes font face. L’animation de Yuasa gagne en ampleur dans une seconde partie plus entreprenante, dans l’unique but de voir fleurir les graines qu’il a patiemment semées dans une exposition classique, mais accessible. Le spectacle est tout de même au rendez-vous, où chacun pourra se faire sa propre idée du raz-de-marée qui conclue la longue réflexion et agonie de Hinako, une femme lumineuse et dont l’héroïsme s’arrête aux nuances du courage, ce qui en fait tout son charme.