Rien à foutre inscrit sa démarche dans une approche néo-naturaliste, proche en cela de la forme documentaire, et retranscrit les conditions de travail et de vie d’une hôtesse de l’air belge dont les valeurs morales, épicuriennes pour la plupart, se heurtent au modèle économique, plus encore idéologique de l’attractivité et de la compétitivité. Ici l’habit doit faire le moine, le sourire séduire un client que l’on rebaptise « hôte », la parole allier fermeté et douceur à des fins commerciales : vendre divers articles en duty free, assurer une bonne réputation à la compagnie que l’on représente avec, dans le viseur, le professionnalisme de ses collègues qu’il s’agit également de surveiller. Le long métrage dénonce une culture de l’évaluation à tout prix : on attribue des étoiles, on estime son niveau de performance et ses qualités pour mieux subir ce même système que l’on entretient, volontairement ou non. Une tension naît entre d’une part la matérialité du film, attaché à suivre le quotidien de Cassandre qui articule boulot, détente et ennui, et d’autre part l’immatérialité des relations humaines au sein de l’entreprise : les costumes se confondent et peuvent de substituer les uns aux autres, les noms s’oublient, les rendez-vous se font en visioconférence via un ordinateur ou par téléphone…
Voilà donc une immersion réussie dans un corps de métier, portée par une Adèle Exarchopoulos très convaincante, qui pèche néanmoins par sa longueur et par quelques prétentions formelles tout à la fois chichiteuses et vaines – du Vangelis pour dynamiser l’utilisation des trottoirs roulants de l’aéroport, par exemple.