No Moore for me
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Parce qu’il est coincé entre deux films qui ont plus fait parler d’eux pour leurs contextes respectifs que pour eux-mêmes, alors que celui-ci était - pour une fois - plus sobre que d’habitude. Après la ratatouille boursouflée et indigeste de Moonraker, la production s’est peut-être rendu compte qu’elle avait exagéré en dépassant certaines bornes et qu’il fallait cette fois rassurer le public de fidèles en revenant à certaines bases.
Le ton est donc donné dès les premiers plans : Bond dépose des fleurs sur la tombe de sa femme puis se fait enlever par un Blofeld dans la continuité de celui d’Au service secret de sa Majesté (minerve et crâne d’œuf), désavouant du même coup Les Diamants sont éternels (et Charles Gray), ce dont personne ne devrait se plaindre. Sauf que la séquence tombe un peu à plat tant le Bond de Roger Moore est aux antipodes de celui de George Lazenby. La femme de Bond, c’est Tracy, interprétée par Diana Rigg, qui n’a pas eu d’autre incarnation dans la série. Et, comme Rigg n’a donné la réplique qu’à la seule incarnation de Bond par Lazenby, pour tous, l’association de Tracy à un autre interprète de 007 est difficile, voire impossible. Et surtout pas à un Roger Moore qui est dans un registre trop différent de celui de George Lazenby ; d’autant plus qu’il n’a jamais été confronté à Blofeld et au SPECTRE.
Donc, début mitigé, mais intention très voyante.
Et ça va continuer durant tout le film. On retrouve ainsi de nombreux éléments de scénario puisés dans les "James Bond" des années 1960. Le système ATAC rappelle évidement le Lektor de Bons Baisers de Russie, d'où vient aussi le dialogue de reconnaissance entre agents. La bagarre sous-marine nous ramène directement à Opération Tonnerre, la poursuite à ski & bobsleigh à Au service secret de Sa Majesté, qui ne présentait aucun gadget à l'instar de cette cuvée 1981. Comme dans Dr. No, Bond tue froidement un adversaire (Locke) et se fait courir après par les filles (l'horripilante Bibi) plutôt que le contraire. Ce qui n’est pas plus mal, vue la différence d’âge. Car, il faut bien le dire, les 54 ans de Roger Moore commencent à se faire sentir. Et ce n’est pas le look'81 qui aide à le rajeunir (avec le pantalon pattes d’eph' remonté jusqu’au nombril - on dirait Chirac). Et c'est la première fois depuis dix ans qu'on revoit l'espion fréquenter un casino, et encore plus longtemps (Goldfinger) qu'il traverse le labo anglais de Q.
L’histoire se rapproche là encore d’un ancien "Bond" (le deuxième) par son sérieux plus affirmé et l’utilisation des services secrets britanniques à leur insu pour détruire un ennemi qui n’en est pas un. Rien que pour vos yeux est d’ailleurs le seul "James Bond" avec Roger Moore qui aurait pu être interprété par Sean Connery sans que cela choque (comme Les Diamants son éternels est le seul de Connery qui aurait pu être interprété par Moore).
Le fait est que, ce sérieux, mâtiné toutefois de quelques traits d'humour (la poursuite en 2CV), permet de suivre cette aventure avec un intérêt certain. La poursuite dans la neige, l'escalade et l'attaque finale du monastère sont de vraies réussites. Les décors naturels ont leur charme, les créations de Peter Lamont, sans être exceptionnelles, sont dans l'esprit des décors traditionnels. En revanche, les costumes sont plutôt moches (c'est l'époque qui veut ça) et la musique de Bill Conti (Rocky) est sans intérêt, mais les comédiens sont bien choisis (Carole Bouquet, Julian Glover, Chaim Topol), et finalement le film est bon et bien rythmé. Pourtant, on oublie toujours qu'il existe.
Sans doute était-il trop sobre à une époque où le public avait finalement mieux accepté qu'on le croyait le clinquant et la surenchère de Moonraker, à laquelle la production reviendra pour le film suivant. Ou peut-être, tout simplement, qu'il lui manque le charme des films des années 1960.
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Créée
le 29 nov. 2024
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