Titre : Rio Bravo
Titre original US : idem
Réalisateur : Howard Hawks
Année : 1959
Pays : USA
Source : TCHERNIA (Pierre) 80 grands succès du western Paris, casterman 1989
Distribution : John Wayne (J.T Chance), Dean Martin (Dude), Ricky Nelson (Colorado), Angie Dickinson (Feathers), Walter Brennan (Stumpy). Ward Bond (Wheeler).
Résumé : John T Chance, shérif de la petite ville de Rio Bravo, arrête Joe Burdette pour meurtre. Nathan, le frère de Joe, cerne la ville, décidé à obtenir la libération de son frère.
Commentaires : Rio Bravo est le modèle des film de type huis clos de bourgade mettant au prise un individu avec un communauté. On peut remarquer l'absence de noirs et le ridicule du personnage de l'hôtelier incarné par un mexicain. On remarque également une courte apparition de chinois en fossoyeurs. Hiérarchie des rôles que Morris et Goscinny reprendront scrupuleusement dans Lucky Luke (les chinois seront blanchisseurs).
J Ford et H. Hawks.
Bien que se situant dans la période du far west et recourant à J. Wayne comme acteur principale, « Rio Bravo » diffère énormément de « La prisonnière du désert » tourné en 1956 par J. Ford. Alors que J. Ford conçoit l'Amérique idéale sous la forme de communautés rurales vivant de manière dispersée et solidaire à la fois. Les westerns d'H Hawks mettent en scène des petites communautés urbaines qui se trouvent aux prises avec la mise en place d'institutions garantissant la loi. Il semble que si pour J. Ford l'idéal américain se situe dans le passé mythique de communautés rurales dispersées s'autorégulant du fait que ses membres sont restés proche de la nature et des valeurs de la bible. Les westerns de J. Ford mettent ainsi souvent en scène des personnages qui semblent en quête de ce paradis perdu. Régulièrement les personnages de J. Ford éprouve la tentation de partir plus loin vers un ailleurs en forme de terre promise. Terre promesse, qui s'incarne souvent dans la Californie, et qui apparaît ainsi parce qu'elle est encore une terre vierge d'une société structurée.
– A la fin de « She wore a yellow ribbon » (« La charge héroïque ») J. Wayne quittant l'armée annonce qu'il part pour la Californie.
– Au début de « La prisonnière du désert », les membres de sa famille croient qu'Ethan (J. Wayne) est parti pour la Californie.
– Au terme des « 2 cavaliers » J. Stewart embarque dans la diligence qui part pour la Californie en compagnie de la femme dont il est amoureux.
– C'est vers la Californie que les comédiens ambulants se dirigent avant d'intégrer la caravane des mormons (« Wagon-master »), lesquelles d'ailleurs fonctionnent comme une société harmonieuse où les conflits se résolvent de manière bon enfant, membres étant tous unis dans le but de fonder dans une vallée une société idéale.
– C'est également vers la Californie que se dirigent les fermiers ruinés des « Raisins de la colère ».
Même lorsque, comme dans les « Raisins de la colère », cet espoir se révèle chimérique l'espérance dans le fait que quelque part il est possible de retrouver l'age d'or d'une société édenique demeure ainsi qu'en témoigne la longue tirade de la mère de famille à la fin du film où elle réaffirme sa foi en l'être humain simple des gens du peuple .
A l'opposé plusieurs westerns d' H. Hawks se consacrent à la mise en scène de petites communautés aux prises avec des méchants qui usant de leur force prétendent accaparer à leur seul profit l'ensemble des ressources de la communauté.
– Dans « Rio Bravo », il est dit que le méchant Nathan Burdette est l'homme le plus riche de la région et qu'il a jadis spolié de ses terres le vieux Stumpy.
– Dans « Rio Lobo » un renégat organise la spoliation de droit d'irrigation et fait régner la terreur sur la petite ville.
Le héros apparaît très intégré à la communauté qu'il a pour mission de protéger comme en témoigne sa complicité avec l'hôtelier qui veut faire un cadeau à sa femme et la fin de l'aventure ne le montre pas fuyant vers l'ailleurs mais s'intégrant définitivement en trouvant l'amour.
La petite ville n'apparait pas comme un lieu de perdition mais au contraire comme un foyer dans lequel il fait bon s'intégrer. A l'image de la séquence où l'on voit le shérif et ses adjoints partageant le plaisir simple de chanter ensemble dans un poste de police aux allures de foyer.
– L'aventurière joueuse de cartes (Angie Dickinson) décide de ne pas reprendre la diligence car elle est tombée amoureuse du shérif.
– Le shérif explique qu'il est devenu shérif parce qu'il en a eu assez « de louer son bras à plusieurs alors il l'a loué à un seul ».
– On apprend que le shérif adjoint Dude est revenu en ville après avoir été largué par la belle qu'il avait suivie.
Même s'ils vivent dans la terreur des bandits et si le shérif veille, autant par prudence que par orgueil, à ne pas les impliquer dans le conflit qui l'oppose au tyran local, les habitants de la ville soutiennent la lutte du shérif pour la justice.
L'hôtelier Carlos ne cesse de proposer une aide que le shérif refuse plusieurs fois jusqu'à ce qu'il le laisse finalement faire le coup de feu avec lui.
Alors que l'ensemble du récit se déroule en impliquant un groupe restreint de personnages, lorsque le shérif et son adjoint se rendent sur les lieux de l'affrontement final, ils remontent une rue peuplée de monde qui semble leur apporter un soutien aussi tacite que muet.
Dans deux westerns suivants, reprenant plusieurs éléments du scénario, (« Rio Lobo » et « Eldorado »), H. Hawks mettra en scène un héros acceptant volontiers l'aide la population.
La nécessité de l'autre.
Si John Wayne en shérif héros possède une conscience aigue de ses responsabilités, il a aussi conscience de ses limites à réformer seul la ville et les hommes. Il doit tolérer la présence en ville d'un bar mal famé, de la même manière qu'il tolère l'alcoolisme de son adjoint. Il apparaît comme un être orgueilleux qui refuse l'aide de son ami Wheeler et ne s'entoure que de personnes diminuées (l'infirme Stumpy et l'ivrogne Dude) qui ne sont pas susceptible de lui faire de l'ombre. Plus encore que des adjoints ils apparaissent comme des êtres dépendant de lui. Au fil du récit le shérif se trouve obligé d'accepter que d'autres lui apportent de l'aide. Si à la fin il réussit à se laisser aller à ses sentiments à l'égard d'Angie Dickinson c'est parce que l'aventure lui a permis de s'ouvrir préalablement aux autres. C'est finalement lorsque chacun a assumé ses responsabilités en participant à la lutte que la ville peut poursuivre son expansion.
C'est d'une série de saluts individuels que proviens finalement le salut commun.
– Celui de Dude qui retrouve le goût à la vie et l'estime de lui-même et renonce à l'alcool.
– Celui de la joueuse de cartes qui renonce à la vie vagabonde et hédoniste pour fonder un foyer.
– Celui du jeune Colorado qui comprend que son habileté aux armes doit être mise au service des autres. La morale proposée par le personnage de Colorado est que son habileté aux armes constitue un héritage (il est dit à sa première apparition qu'il est plus habile que son père) qu'il ne doit pas utiliser à son seul service mais se mettre au service des autres. De la même manière que l'ivrogne Dude (Dean Martin) comprend qu'il n'a moralement pas le droit de s'enivrer alors que son devoir est de travailler à maintenir l'ordre.
– Celui du shérif qui, en renonçant à son orgueil, accepte l'aide des autres et s'ouvre à l'amour.