Tellement de choses ont déjà été dites sur le western "Rio Bravo" de Howard Hawks réalisé en 1959.
Tout le monde connait "Rio Bravo" même les non-amateurs du genre "western". Il suffit de rappeler la scène d'introduction où un dollar est jeté dans un crachoir à l'intention d'un personnage manifestement en manque de boisson. Instantanément, la réaction du non amateur est invariable : "arrête, c'est vraiment une scène odieuse !"
Et pourtant, cette scène ouvre le film et le place en quelques secondes sur le bon registre : il va définir le fil rouge de l'ensemble du western en mettant en place la relation entre John Grant et Dude. C'est-à-dire entre John Wayne et Dean Martin. Cette scène sera reproduite une deuxième fois quelques dizaines de minutes plus tard et déjà, ce ne sera plus la même scène.
Parce qu'il faut bien dire que dans "Rio Bravo", il n'y a pas de chevauchée fracassante, d'indiens ou d'attaque de diligence. Il n'y a même pas une pendaison. Et des coups de feu, il y en a mais juste à la fin. Il n'y a pas d'indiens mais il y a un couple de mexicains complètement intégré à la société et un chinois (le croquemort). Et je suis presque étonné de ne pas lire de critique voulant démontrer que "Rio Bravo" n'est pas un western !
Même le nombre de lieux où se déroule l'action est limité : le bureau du Shérif, le saloon, la rue et l'hôtel.
"Rio Bravo", c'est un film sur les relations entre quelques personnages, cinq exactement, sur le fond d'une intrigue plutôt conventionnelle, qui est la lutte du shérif contre les deux frères dont l'un a été emprisonné par le shérif. La réunion de ces cinq personnages est hétéroclite car ils sont tous très différents avec leur caractères trempés et francs, ce qui rend les relations entre eux tous piquantes.
D'abord, je l'ai déjà mentionné, la relation entre le shérif John Grant et son adjoint Dude dans laquelle John Grant est partagé sur la conduite à tenir face à son adjoint. Cette relation est "arbitrée" par Stumpy (Walter Brennan) qui se pose en observateur et n'hésite pas à mettre son grain de sel dans le huis-clos qu'ils vivent alors qu'ils sont "confinés" dans le bureau du shérif.
A cela s'ajouteront deux autres relations qui amèneront de la fraicheur (Colorado) et du charme (Angie Dickinson).
J'ai dit que les relations entre ces cinq personnages étaient piquantes ; elles sont aussi empreintes de dignité, de respect de l'autre, ce qui n'exclue surtout pas l'humour qui est présent partout et fait de ce western, un petit joyau. Chacun de ces cinq personnages est décortiqué pour en faire ressortir l'aspect positif.
Tout d'abord John Wayne qui la joue en subtilité voire parfois un brin de nonchalance ; il est tenté d'intervenir sur le comportement de Dean Martin mais se contient par un immense respect dû au passé méritant de Dude qu'il se refuse d'oublier. Et son comportement de vieux garçon maladroit face à Angie Dickinson où ce grand costaud, taillé à la serpe, prompt à jouer de ses poings, s'avère incapable d'exprimer quelque chose de simple et de gentil, vire à la scène sublime !
Et puis Dean Martin dont c'est le deuxième rôle que je qualifierai de sérieux après son inoubliable prestation dans "le bal des maudits", est ici dans un rôle complexe où il lutte contre son addiction et se raccroche à des détails ou des mots afin de progresser, où chaque rechute est le point de départ pour un nouveau combat.
Angie Dickinson est la touche charmante du western ; elle est obstinée et insolente mais parvient à trouver sa place. Hawks aime bien ce genre de femme que je ne serais pas loin de croire la "vraie femme de l'Ouest". Quelque chose d'amusant : elle se plaint à John Wayne de ne pas connaître son nom alors qu'elle-même, Hawks n'a pas daigné lui attribuer un vrai nom (à part feathers = plumes en référence à son costume de scène)
Colorado est le petit jeune, doué et sûr de lui, limite teigneux mais très respectueux des autres, "je ne suis jamais aussi doué que lorsque je ne m'occupe pas des affaires des autres" ; Rickie Nelson, l'interprète de Colorado, a 19 ans dans la vraie vie.
Et bien entendu, je finis par l'inénarrable Stumpie, joué par l'immense Walter Brennan. Grincheux, soupe au lait mais finit par faire le travail "je ne le ferai pas, non je ne le ferai pas, non je ne le ferai pas… oui, ok je vais le faire".
La scène magnifique où il cause et où il casse les pieds à causer tout simplement parce qu'il eu la peur de sa vie lorsqu'il a tiré malencontreusement sur Dude qu'il n'a pas reconnu après son bain…
Mais je finirai par le moment magique où le crooner Dean Martin rejoint le chanteur country Rickie Nelson et l'accompagnement de Walter Brennan à l'harmonica :
With my three good companions
Just my rifle, my pony and me