Le pitch est hyper mince et le film fait 2 heures 16 : comment tenir ? Et bien évidemment en mettant quelques scènes de suspense de fusillade, de se concentrer sur les personnages, sur leurs personnalités, leurs failles, leurs faiblesses.
Ce qui fait dans « Rio Bravo », ça parle beaucoup et deux personnages reconnaissant qu’ils parlent beaucoup. Et le film est un film choral puisque nous avons au moins trois personnages principaux.
Le shérif John Grant, son adjoint Dude alcoolique, Stumpy un vieux boiteux chargé de surveiller le prisonnier et bientôt Colorado, un jeune homme encore innocent qui veut montrer qu’il en a dans la gâchette.
Ils croiseront tous à un moment donné : « la fille aux plumes » (on ne saura jamais son nom) qui séduit progressivement le shérif, elle est hébergée dans un hôtel tenu par Carlos.
Grant, Dude, Stumpy, Colorado attendent qu’il se passe quelque chose : que des truands tentent de faire libérer leur prisonnier : ça arrivera trois fois. Mais à chaque fois, ce sera l’occasion d’en dévoiler toujours un peu plus sur les personnages qui nous apparaissent humains, crédibles.
Grant est paternaliste, protecteur avec ses adjoints, désirant conserver sa ville, la tenir loin de la violence et doit prendre des décisions, il est conseillé par ses adjoints. Il est moqué justement pour l’apparence de ces derniers. Mais « Rio Bravo » est notamment une réflexion sur les apparences.
Dude est alcoolique depuis deux ans, il se bats pour arrêter de boire désirant revenir le super tireur qu’il était autrefois et il surprendra bien du monde lorsqu’il cessera de boire, pendant tout le film on le voit se battre contre son addiction à la bouteille : ça semble plutôt réaliste, nous avons notamment une longue scène où il est assis devant une bouteille pleine, un verre rempli, ses mains tremblantes, il n’est plus bon pour Grant, renonçant à l’assaut avant qu’il ne se passe quelque chose…
Stumpy est un vieil homme, boitant, se plaignant tout le temps pour les tâches que lui confie Grant, mais sait s’en amuser, mais on découvrira qu’il est aussi un homme plein de réflexions et qui peu avant le final, sait sacrément bien tirer.
Colorado, qui vient de perdre son mentor, décide de rester en ville, sa jeunesse (son interprète n’avait que 17-18 ans lors du tournage, on peut supposer que le personnage en a autant), son inexpérience, son goût pour se mêler de ses propres affaires le fait sous-estimer par Grant, mais il lui sera d’une grande aide, se montrant futé en prenant de bonnes décisions et sachant super bien tirer, devant sur le tard, officiellement un nouvel adjoint de Grant.
Tous les quatre ne paient donc pas de mine mais c’est eux qui vont sauver une ville.
Les personnages bougent presque autant qu’ils parlent, multipliant les allers-retours entre le bureau du shérif, des saloons et l’hôtel, tout en surveillant parfois en extérieur.
Chacun a un poste particulier, routinier, ce qui fait que « Rio Bravo » s’apparente aussi à la chronique d’une petite ville, bien que le film ai un dénouement parfait, je trouve qu’on aurait pu continuer à suivre indéfiniment les personnages. Comme dans une série télé.
En effet, dans toute leur complexité, les personnages sont attachants, ils vivent pas mal de choses en l’espace de quelques jours, ils sont comme chargés d’une mission.
Le western est un genre sérieux. Pourtant « Rio Bravo » est plutôt léger, il y a rarement des moments vraiment dramatiques et on sent que le casting est au diapason, heureux de travailler ensemble. Et il y a même un moment musical où Colorado, Dude et Stumpy chantent devant un Grant ravi, c’est dire le ton léger global du film qui se démarquait clairement des westerns de l’époque et qui inspirera peut être les « western spaghetti ».
Bien que les 2 heures 16 passent plutôt vite, il y a des moments, surtout le dénouement entre Grant et « la fille aux plumes » est assez long.