Rio Bravo... Un de mes trois ou quatre films américains préférés... L'idée de Hawks d'en faire un remake, dix ans après, à la fin de sa vie, parait assez absurde et vaine tellement l'original était bon. Rio Lobo est certes un petit film bien sympathique, mais il souffre beaucoup de la comparaison avec son aîné et paraît plutôt fade à côté de ce dernier. Tout le film, c'est effectivement l'histoire de Rio Bravo, avec à peu près les mêmes personnages que dans Rio Bravo, la même attente de la cavalerie que dans Rio Bravo, les mêmes plans de coucher de soleil sur des cactus que dans Rio Bravo, la même confrontation finale autour d'une grange qui se règle à la dynamite que dans Rio Bravo, mais sans le cœur de ce qui fait toute la saveur, le charme, la substance et la beauté de Rio Bravo.
Les acteurs s'en sortent tous bien par exemple, mais tous sont nettement moins marquants que ceux du premier film (mis à part, je dois l'admettre, John Wayne, qui est vraiment un aussi bon acteur que John Wayne !). Le casting de Rio Bravo avait quelque chose d'inoubliable : Angie Dickinson, drôle, manipulatrice et magnifique, John Wayne, figure emblématique du western, mais que l'on trouvait là tout intimidé par sa partenaire, Dean Martin, le cœur dramatique du film, Walter Brennan, qui était juste hilarant, et même Ricky Nelson y trouvait sa place. Reprendre les mêmes personnages en moins bien, c'est quand même dommage. Jack Elam n'est pas mauvais dans le rôle du petit vieux excentrique, mais Brennan était bien plus drôle et sympathique, et puis ça se voit que l'acteur n'a pas l'âge de son personnage, il a même treize ans de moins que John Wayne. Et on a exactement le même souci avec tous les aspects du film. La musique est sympathique et à ce titre, j'ai bien aimé le générique d'introduction à la guitare, très classe et calme, mais globalement, la musique de Dimitri Tiomkin était bien plus mémorable sur Rio Bravo ainsi que son antithèse High noon, sans parler de la célèbre séquence musicale du film de 1959.
La seule valeur ajoutée de Rio Lobo, ou en tout cas ce qui est censé être une valeur ajoutée mais qui est en fait son plus gros handicap, c'est d'avoir une intrigue plus dense, comme si Hawks cherchait à trouver le parfait équilibre entre la place laissée aux interactions entre les personnages et l'aventure pure et dure. Rio Bravo se concentrait presque exclusivement sur le siège, sur l'attente de l'action plus que sur l'action elle-même, et s'en servait pour mettre en scène un huis clos où se tissaient des liens forts entre les personnages. Ici, c'est bien la capture d'un traître qui est l'enjeu principal, et non la survie en l'attente de la cavalerie, ce qui pousse le film à nous faire un peu voyager. Il faut ainsi reconnaître qu'on a droit à un peu plus de beaux paysages. Un autre apport, c'est l'attaque du train en début de film, assez plaisante à suivre mais gardant un ton plutôt léger. Le fait de placer l'intrigue pendant la Guerre de Sécession est également un choix intéressant : là où les antagonistes qui assiégeaient Rio Bravo n'étaient qu'une fonction scénaristique, ou à la limite une menace un peu abstraite, le film de 1970 donne une belle leçon d'humanité en montrant Wayne sympathiser avec des soldats sudistes.
Mais concrètement, on perd le huis clos de génie qu'était Rio Bravo et surtout le fait qu'il s'agissait du film le plus chaleureux du monde, et on le remplace par une aventure légère, divertissante et rapidement oubliable. Le scénario s'étoffe et le travail sur la durée, l'ambiance, le cinéma en général n'en est que plus altéré. On ne gagne pas du tout au change, surtout qu'il s'est écoulé onze ans entre les deux films, qu'entre temps, il y a Il était une fois dans l'Ouest qui est passé par là et qui paraît pourtant bien plus moderne. Le cinéma a avancé, l'histoire de l'art a avancé entre temps.
J'ai donc quand même l'impression que le dernier film d'Howard Hawks a quelque chose d'anachronique, un western un peu en retard, fatigué. C'est sans doute le but cela dit, et c'est ce qui lui donne son petit charme, à l'image de son héros, John Wayne, qui n'est plus le cow-boy iconique de l'Amérique, mais un vieil homme sympathique, encore « robuste » mais surtout « confortable », pour reprendre les mots qui le caractérisent dans le film. C'est à ce niveau que Rio Lobo s'en sort principalement et que l'on sent qu'il y a une vraie sincérité de la part du cinéaste, une volonté de faire son western crépusculaire, sans jamais trahir le style léger qui lui est propre.