De jeunes nanas arpentent les villes la nuit pour placarder des slogans antipatriarcaux. De quoi attirer ma sympathie immédiate. Autant les graffitis immondes qui saccagent l'espace public m'horripilent, autant quelques phrases coup de poing assenées dans la gueule du beauf bêlant ou du vieux schnock acariâtre qui pense que la rue est à lui emportent mon indulgence. Pas de fioritures, quelques grosses lettres tracées à la peinture noire sur des feuilles blanches, comme au centre ville du Creusot, et pof, des vérités souvent bonnes à dire, ou parfois à rappeler, font irruption dans l'espace commun si souvent source de danger pour les femmes. Des vérités comme le fait que la grande majorité des victimes de viol connaissaient leur agresseur avant leur passage à l'acte. Ou simplement l'étalage impressionnant des noms des malheureuses passées de vie à trépas parce qu'elles avaient eu le mauvais goût de fréquenter des hommes perdus, sans le moindre respect ni pour eux ni pour les autres (à conditions que ceux-ci soient physiquement plus faibles qu'eux et à leur merci...). La caméra se pose parmi ces jeunes femmes engagées et se contente d'enregistrer leurs conversations ou de les suivre dans leurs maraudes rageuses et joyeuses à la fois. J'ai mis un peu de temps à me détacher du jeunisme revendiqué de ces militantes qui dépoussièrent le féminisme et à ne pas me focaliser sur l'abondance de "genre" ou "en mode", mais bon, une fois le décalage linguistique épongé, j'ai pu apprécier la validité de leurs arguments et compatir à la charge émotionnelle impressionnante que représente encore aujourd'hui le fait d'être une jeune femme dans un monde de brutes solidaires. Leur analyse tient la route et est plutôt rafraichissante dans le fatalisme ambiant. Surtout, elles ne se résignent pas à l'heure où les agresseurs haut placés s'en tirent facilement grâce à leurs avocats hors de prix et où l'impunité générale encourage encore des meutes de prédateurs à la petite semaine à s'en prendre à des brebis isolées. Tout est question de choix, et ces demoiselles pimpantes et rigolardes, non dénuées de profondeur quand elles analysent l'introspection acharnée à laquelle il faut résolument se livrer pour s'éloigner d'une soumission ancrée dans les mœurs depuis des siècles, jusque dans les moindres détails, ont fait le leur et il les honore.