Une morale bienvenue derrière l'immoralité absolue
Au premier abord, coincé au milieu de "Scum" et "Elephant" dans la filmographie du cinéaste britannique culte Alan Clarke, ce "Rita, Susie..." peut ressembler à une sortie de piste.
Il l'est d'ailleurs en partie si l'on se contente de le lire comme une comédie sexuelle, genre qui connut d'ailleurs son heure de gloire chez nos amis britons au cours des années 70. Dans le genre, Clarke va très loin dans la folie, le burlesque, et une immoralité qui lui vaudrait aujourd'hui quelques bons coups de fouet en place publique.
La galerie de personnages est pour le moins succulente : deux ados folles du cul qui feraient passer David Guetta pour un prix Nobel de chimie, un Casanova de Prisunic qui se paie même le luxe d'avoir son petit problème d'érection, un père alcoolique jusqu’au trognon et bien bien raciste, un "Paki" qui sourit béatement devant ses bollywooderies mais n'hésite pas à castagner Maman une fois rentré à la maison. Bon je m'arrête là et pourtant il y a encore du lourd à découvrir.
Tous ces grands malades ont deux points communs : ils sont tous d'origine populaire, pour ne pas dire prolétaire, et semblent vivre tous leurs mésaventures avec une joie insolente.
Si on en reste là, on pourrait vite taxer Clarke d'être une belle crapule crachant sur les pauvres, et bla et bla et bla.
Mais ce serait mal connaître le bonhomme, et refuser de situer son film au milieu d'une œuvre. Il suffit en fait de renverser les choses et de voir dans ces portraits outrés une dénonciation cinglante de la société née du thatchérisme. En cela, on peut même prêter à Clarke une qualité certaine de visionnaire tant il décrit avec acuité un pays coupé en deux par un libéralisme échevelé, un pays prêt à sacrifier une classe sociale toute entière.
Pour résumer, en matière de cinéma, de la haute couture sous un vernis de prêt-à-porter.