Aussi surprenant par sa forme chaotique que par sa réussite didactique et narrative, ce documentaire aux accents rock et aux images brutes offre un regard singulier sur la guerre, tout en proposant un récit de voyage aussi passionnant qu’Ella Maillard… ou Tintin.
Ce documentaire retrace l’histoire incroyable de Claude Baechtold, alors jeune typographe lausannoise, qui se retrouve catapulté « journaliste de guerre » dans l’Afghanistan post-11 septembre 2001, embarqué par son ami journaliste Serge Michel. Ce qui devait être un simple voyage se transforme rapidement en une odyssée de guerre aussi rocambolesque qu’hallucinante.
A première vue, il y a de quoi être sceptique lorsqu’on vous propose de visionner des images amateures d’un road trip datant d’il y a plus de vingt ans. On ne va pas au cinéma pour endurer une soirée « diapositives ». Pourtant, dès les premières secondes, on est irrésistiblement happé par ce formidable documentaire, grâce à son montage dynamique, une bande-originale aux tonnalités rock enlevées, et à la bonhomie du narrateur-réalisateur Claude Baechtold.
Ce qui est frappant, c’est que Baechtold n’était pas cinéaste à l’époque du tournage. Ses images ont été capturées presque par accident, et pourtant, il révèle un sens du récit parfaitement aiguisé. Là où ses prises de vue peuvent paraître parfois maladroites ou bancale, il compense brillamment par un ton pop, coloré et terriblement humain. Il nous embarque dans une véritable aventure, quelque part entre Ella Maillart, Tintin et les Pieds Nickelés. Mieux encore, il réussit à traiter des enjeux géopolitiques complexes de l’Afghanistan avec une clarté et une efficacité rare – un Michael Moore n’aurait pas fait mieux.
Mais derrière ce ton ludique, qui n’est pas sans rappeler la série Bref, se cache un film plus touchant et personnel lié au parcours du narrateur. La fausse naïveté affichée laisse entrevoir une mélancolie sous-jacente et un regard réfléchi sur cette période de sa vie. Là encore, Claude Baechtold évite habilement de tomber dans un pathos nombriliste. Son ton reste constamment juste, probablement grâce à la longue période écoulée entre ce voyage et le montage final. Ce long hiatus donne au film une profondeur historique intéressante, mais offre aussi à l’auteur le recul nécessaire pour y porter un regard pertinent, mature et nuancé. Il paraît que à la suite de cette improbable aventure, Claude Baechtold s’est spécialisé dans les guides de voyages vers des destinations improbables. Quand on voit la justesse avec laquelle il aborde l’altérité afghane, on n’a qu’une envie, celle de dévorer ses livres.