Ce film fait partie de mon "rattrapage culturel" version "un réalisateur = un film."



Scénario :



Mark (aka Robert Mitchum) doit élever seul un gamin dans sa cabane au milieu de la prairie. Comme c'est un ours badass, il sauve Kay (Marylin Monroe) et son copain qui passaient, en radeau, par là. Elle lui chante une petite chanson.


Comme Mitchum n'a pas de chance, le copain de Monroe lui pique son cheval et son fusil. Comme il n'a VRAIMENT pas de chance, c'est pile au moment où les indiens en profitent pour attaquer sa cabane perdue au milieu de nulle part. Il fuit en radeau avec Marilyn, son gosse et la guitare de Marilyn qui par un miracle total ne subira aucune avanie sur une heure et demi de film.


Ils vont alors tenter de voyager ensemble le long de la rivière, malgré les rapides, les indiens, les grizllys, les voleurs de grand chemin et la tentative de viol de Mitchum sur Marilyn.


Tout un programme.



En tant que sujet d'étude :



"La Rivière sans retour" est le film que j'ai pris afin d'étudier le cinéma d' Otto Preminger. Et on me dit que c'est pas son film le plus iconique. Comme l'autre film de Preminger que j'ai vu, c'est le caricatural L'Homme au bras d'Or je me rabat sur celui-ci.


Preminger signe un film qui est typiquement le genre de "production hollywoodienne" faite dans les années 50 : deux têtes d'affiches ultra-iconiques, une histoire de western (cette fois-ci plutôt basée sur le véritable "cowboy" c'est à dire un fermier) et des grands plans d'ensemble. Le film est le premier à avoir été filmé en cinémascope (ce qui fait qu'il est assez peu regardable sur les écrans d'aujourd'hui parce qu'aucun écran ou projecteur ne s'adapte à ce format) mais en tire vraiment parti, avec des superbes plans de la nature américaine, des plans de radeaux, de la vue subjective.


Alors, certes, il est visible :
A) que les scènes vue des près sur le radeau sont tournées en studios, devant un écran projettant des cascades, tandis que des techniciens balancent des seau d'eau hors champs.
B) que les scènes vues de loin filment des cascadeurs (ou des mannequins) sur le radeau, tant on voit pas grand chose.
Mais je suppose qu'à l'époque, avec le grain de l'image, avec la façon de voir des spectateurs, ça faisait le job.


Mitchum y joue le vieux baroudeur badass au grand coeur, sans trop se forcer : c'est limite si on se demande s'il ne joue pas parce que John Wayne n'était pas disponible. Mais bon, il reste Robert Mitchum, le mec à un charisme à en faire fuir un ours à 20 mètres. Marilyn y est un peu en dessous de ce qu'elle peut faire, même si son jeu est loin d'être honteux et avait une super belle voix qui rend les passages où elle joue de la guitare, plutôt sympathique. A noter que celle-ci ne s'entendait pas avec Otto Preminger et estimait qu'elle méritait mieux qu'un rôle dans une "série Z de cowboy." A vrai dire, on peut difficilement la blâmer tant le scénario est plutôt mince et son personnage objectifié au possible. (On y revient.)


Et le gamin (Tommy Reting) joue franchement bien, ce qui est assez rare pour être souligné.



Mon avis personnel :



J'aurai pu apprécier le film et lui mettre un 6 voir un 7 pour la forme. Le film ne casse pas trois pattes à un canard : les personnages ne sont pas hyper développés, les péripéties classiques du western arrivent les unes après les autres (indiens, bandits, nature sauvage, rapides) et ça n'a rien de très philosophique. Néanmoins, l'idée de faire un film se déroulant non à cheval mais à radeau, de mettre comme personnage principal un fermier, ainsi que la cinématographie plutôt agréable et les chansons en font un divertissement qui s'écoule assez bien sur ses une heure et demi sans déplaisir.


Sauf qu'il y a eu LA scène de baiser qui a provoqué une ambiance de malaise certain lors de son visionnage. (Si vous me suivez sur Twitter, vous savez de quoi je parle.)


Le traitement de la femme dans ce film qui, s'il paraissait "progressiste" (Marilyn y joue une chanteuse de Saloon qui se balade en chemisier, débardeur et jean) est en fait représentatif du machisme de l'époque. Il n'y a AUCUNE alchimie entre le personnage joué par Robert Mitchum et celui joué par Marilyn Monroe, ils n'ont jamais un moment tendre, un truc qui pourrait montrer qu'ils partagent autre chose que de l'affection pour le gamin... mais à la fin, il faut quand même qu'ils finissent ensemble. Et du coup, c'est montré par le fait que Mitchum sait bien plus que Marilyn ce qui est bon pour elle, et c'est fait de la pire façon.


Alors qu'ils sont seuls dans les bois et alors qu'elle en train de parler de son petit ami, le personnage joué par Mitchum embrasse celui joué par Marilyn. Elle lui dit non. Il réessaye. Lui prend la main de force, réussi à l'allonger par terre sur la contrainte et... le gamin hurle au loin, un grizzly ayant attaqué le campement.


C'est d'autant malaisant que l'homme va avoir quelques scènes plus loin la rhétorique classique du "désolé, je sais pas ce qui m'a pris." Et la femme de lui pardonner d'un mouvement de main pour parler d'autre chose. On en reparle plus jusqu'à la fin du film, où Marilyn est en train de chanter du un bar, Mitchum l'enlève de force, la porte sur son épaule façon "barbaque de viande" l'installe sur sa cariole et lui dit "on part à la maison." (Alors qu'à aucun moment celle-ci n'a exprimé verbalement l'envie de s'installer avec lui.) On sait juste que parce qu'elle caresse les cheveux du fils de Mitchum que ... au fond, cette situation n'a pas l'air de lui déplaire. Et le film se finit là dessus.


Purée, ça en dit long sur le côté : "Au final, elle dit non, mais au fond d'elle même elle pense oui" et "Elle ne sait pas ce qu'elle veut... mais lui sait" et toutes ces morales idiotes qui ont légitimés le viol et les violences conjugales pendant des décennies. Même s'il n'y a pas explicitement viol, on nous a montré un homme qui contraint une femme à l'embrasser de force, à la faire s'allonger sous elle et à nous dire que c'est le héros et qu'au final... il a bien fait de faire ça.


A noter que, manque de pot, j'ai vu ce film le lendemain de la publication de la tribune de Catherine Deneuve et Catherine Millet disant en substance que "houlalala, hein, les femmes, faudrait éviter de vous plaindre du harcélement dans les transports en commun, c'est pas trop cool pour les mecs, les pauvres." Dans cette tribune, les signataires estimaient que trouver de la misogynie dans des films comme Blow-Up, c'était scandaleux. (Merci de me dire ce que je dois penser Tata Cathy mais suffit d'avoir deux yeux pour voir la misogynie du héros du film d'Antonioni.)


La société à changée et notre vision des choses à changé. Si l'on admet que l'on ne peut plus mater Autant en Emporte le Vent ou Melodie du Sud sans ignorer le traitement caricatural des noirs, il faut aussi analyser La Rivière Sans Retour (et des dizaines de film du même genre) avec le fond misogyne des années 50. Mais même en remettant les choses en contexte, même en se disant "il faut pas plaquer notre morale de maintenant sur les films d'époque".... difficile de trouver le personnage joué par Mitchum sympathique après le passage en question. Comme si le charme un peu désuet du film avait disparu.


J'y voyais d'un seul coup tous les défauts, notamment, le traitement des indiens, qui est, dans ce film, plutôt nul : Mis à part une indication au début expliquant qu'ils sont des humains après tout, ils sont traités tel un "danger du far west" comme les autres. Les mecs font surtout un raid contre un pauvre radeau avec 3 blancs dessus, qui semblent n'avoir ni argent et courent vraisemblablement vers leur propre mort vu la gueule de leur embarcation. Et en dépit de tout bon sens, une escouade d'indien se fait tuer, soit en se faisant tirer dessus à la carabine, soit en se noyant en tentant d'atteindre le radeau (pour-quoi ?)


Bref, la Rivière Sans Retour est un divertissement de western très marqué 50's, un peu désuet, un peu mignon et puant un peu du cul.


PS : Pendant toute l'écriture de cet avis j'ai eu la chanson de M.C. Solaar "Nouveau Western" dans la tête, à cause d'une ligne de texte.
"Sa vie suit un court que l'on connait par coeur, la rivière sans retour d'Otto Preminger."

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le 12 janv. 2018

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