La beauté sauvage des paysages, le suspense de l'aventure vécue sur le radeau, les rapports (parfois teintés d'érotisme latent tel que le permettait la censure de 1954) entre Robert Mitchum le bourru et Marilyn Monroe l'aguichante chanteuse de saloon, sont autant de bonnes raisons de voir ce film qui est le premier à se servir du Cinémascope (après le péplum la Tunique qui était plus statique mais qui servit à tester ce procédé acheté par la Fox) avec une mise en scène utilisant ainsi l'écran large, à la fois pour restituer le réalisme des grands espaces et pour dépeindre un conflit psychologique. À cela s'ajoute le plaisir de découvrir Marilyn Monroe dans un western, sa seule participation au genre ; elle n'est pas ici un objet sexuel, c'est une femme qui pense, qui souffre et qui agit avec lucidité. Le seul moment où elle est dans son image de sex-symbol, c'est lorsqu'elle chante "One Silver Dollar" dans le saloon face à tous ces hommes rugueux qui scrutent ses jambes, elle est carrément envoûtante dans son costume sexy de saloon girl.
En dépit d'un scénario peu travaillé qui se contente de raconter une intrigue aventureuse dans le style de Jack London, et de quelques transparences maladroites dans la scène du radeau, le film reste attachant et bénéficie d'un Technicolor stupéfiant. Mais il doit surtout son intérêt à la rencontre de 2 acteurs de légende, en une savante opposition : Mitchum en homme des bois rude dans toute sa virilité (carrure, grosse voix), qui s'attendrit au contact de Marilyn en femme courageuse et belle. On sent aussi que Preminger, dont ce sera le seul western, n'est pas aussi à l'aise que John Ford dans cet élément, c'est pourquoi je n'ai jamais considéré Rivière sans retour comme un très grand western, je ne l'ai pas revu depuis longtemps, je fais cette critique de mémoire, je peux donc réviser ma note si je suis amené à le revoir, et ce sera sans déplaisir.