Dans la vague du néo-réalisme italien, les influences sont diverses. Ainsi de ce Riz Amer, qui joue sur deux tableaux qui pourraient sembler contradictoires : la veine réaliste, évidemment, mais aussi un sens affirmé du mélodrame.
La dimension documentaire est évidente, et c’est probablement là le plus grand intérêt du film. Ce n’est pas un hasard s’il commence par un très beau plan-séquence accompagnant le commentaire d’un reporter radio, moyen habile de donner à voir la foule hétérogène qui compose le plan. Le récit va, par le biais de personnages archétypaux, dresser un espace social particulièrement marqué : les travailleuses saisonnières à la récolte du riz, les fameuses mondine, opposées à celle engagées sans contrat, et dont on peut se débarrasser à tout moment. Les plans d’ensemble sur les rizières, les différentes tâches, la pénibilité, notamment par l’eau omniprésente, renseignent autant qu’ils sensibilisent sur la classe prolétarienne. Le film est aussi l’occasion d’un rare portrait collectif de femmes, la plupart fortes en gueule face à l’adversité, et occasionnant, dans ce contexte physique et laborieux, un érotisme assumé qui fit bien frémir en cette fin des années 40.
Afin de donner une ossature à toute cette perspective informative, Giuseppe De Santis fait montre d’un réel talent dans ses prises de vues, et particulièrement ses mouvements de caméra, fluides et maîtrisés ; le scénario ne fait, quant à lui, preuve du même sens de la mesure. Autour d’une sombre histoire de vol de bijou, d’infiltration dans le milieu ouvrier et de séductions manipulatrices, l’intrigue se perd un peu. Il s’agit surtout de mettre en valeur le tempérament de feu de Sylvana, toutes en rondeurs et en provocation, au risque d’une perte assez conséquente de crédibilité. Danse langoureuse qui cherche à dépasser l’érotisme de Rita dans Gilda, lutte sous la pluie diluvienne et couples à géométrie variable sont le support d’un jeu assez expressionniste, et par conséquent souvent poussif.
C’était une stratégie comme une autre. Quand certains font appel à la corde sensible de l’émotion pour renforcer leur démonstration (le rôle d’un père, d’un enfant, chez De Sica ou Rossellini), De Santis tente la corde sensitive. La cause est juste, le regard souvent pertinent ; mais du film, l’histoire retiendra d’avantage un déhanché qu’une problématique sociale.