A l'heure où un Coppola affranchi des canons de production hollywoodiens et visiblement désireux de retrouver la liberté dont il a pu jouir avant ses (trop ?) énormes succès commerciaux, sort son nouveau film, l'occasion est trop belle de saluer un autre disciple de Roger Corman, celui qui aura eu la malchance d'évoluer dans l'ombre des "vampires" du cinéma US des années 70, Coppola donc, Scorsese, Spielberg et autre Lucas.
Ce réalisateur, au moins aussi doué que ces "maîtres du monde" s'appelle Monte Hellman, et bonne nouvelle, il bande encore. 80 printemps, 3 films-cultes en l'espace de 5 ans ("L'Ouragan de la vengeance" (1965), "The Shooting" (1967) et "Macadam à deux voies" (1971)), quelques séries B alimentaires, puis une disparition totale d'une vingtaine d'années.
Et soudain, sorti de nulle part, le jeune homme, revient, fringuant, avec ce "Road to nowhere".
Et une fois de plus, le résultat est un véritable OFNI, qu'on pourrait croire sorti du cerveau d'un jeune réalisateur, trop amoureux du cinéma pour ne pas bourrer son film de références aveuglantes. Mais on peut aussi voir dans ce geste une sorte d'ultime déclaration d'amour à sa passion absolue, le cinéma. Une volonté tellement émouvante d'avoir sa Laura Palmer à lui, du doux nom de Velma Duran (le parallélisme avec Lynch ne s'arrêtant pas là, mais j'y reviendrai un peu plus loin), un besoin aussi de laisser derrière lui un film sur la création cinématographique, à la manière d'un Altman avec son "The Player".
"Road to Nowhere" est un film sur le dédoublement, le clône, et ceci dans les moindres détails et clins d’œil : d'entrée de jeu, le décor est planté, le générique annonçant "Directed by Mitchell Haven". Mais où es-tu donc passé mon cher Monte ? La réponse nous est apportée quelques instants plus tard lorsque l'on comprend que c'est l'histoire d'un film dans le film qui va nous être déroulée durant 120 minutes. Et le réalisateur de ce film s'appelle donc... Mitchell Haven (ou donc Monte Hellman).
Ok vous êtes perdus, vous ne comprenez rien à ce que je raconte ? Un peu comme dans certains films de Lynch, pas vrai ? Et c'est là que mon petit billet retrouve sa route, "Road to Nowhere" (le si bien nommé) nous rappelant en permanence "Mulholland Drive", "Twin Peaks" et surtout, jusque dans le générique de fin tout en lettres jaunes, "Lost Highway", autre œuvre majeure sur le dédoublement.
Enfin la symbolique du double vient même se nicher dans la musique, tant la voix caverneuse de Tom Russell semblerait provenir des entrailles d''un Johnny Cash période "American Recordings".
Alors si vous parvenez vous-mêmes à vous dédoubler, vous trouverez bien 2 heures pour découvrir Monte... ou Mitchell.
NB : A noter que quelqu'un comme Tarantino doit beaucoup à Monte Hellman, celui-ci ayant accompagné ses premiers pas en tant que réalisateur, en produisant "Reservoir Dogs".