Roar
6.2
Roar

Film de Noel Marshall (1981)

C'est lunaire. Il faut vraiment le voir pour le croire ou réaliser complètement, c'est un des films les plus tarés que j'ai jamais vu.
Impossible de le décontextualiser : Noel Marshall, producteur à l'odorat d'affaires très bouché (loupé le coche avec "L'exorciste", un temps plus gros succès de tous les temps quand même), et sa femme Tippi Hepdren, dernière blonde d'Hitchcock (mais surtout dernière mentionneuse de son embonpoint en réaction à ses avances trop insistantes) tombent sur des lions en pleine savane, dans un palais de type Portugais. Ils se disent : "oooh c'est chou les lions. Et si on en receuillait 30 chez nous ?". Je ne connais pas tout le catalogue de leur arche de Noé foireuse, mais ils ont vécu 10 ans dans leur villa, avec les grosses bêtes à crinière vivant à leurs côtés. Tippi Hepdren dira des années plus tard, une fois ce WTF continu terminé : "Nous étions au-delà du stupide. (...) Je voyais ma fille dormir avec son lion préféré... En un coup de patte, il aurait pu la décapiter." Sans blague... Il y a des moyens plus intelligents de défendre la cause animale. Par exemple, réaliser un film ! Peut-être que c'est ce que s'est dit aussi Marshall, s'embarquant alors dans une aventure tout aussi foireuse sur 11 ans, dans la joyeuseté de la bonne cause, mais dans l'aveuglement total des circonstances. Une trentaine de fauves apprivoisés mais pas dressés ? Tous les professionels leur ont répété que ça pouvait que finir en cantanonade. Résultat : 70 blessés (dont une gangrène pour vous, Noel et Tippi), une ruine intégrale et, inévitablement, le divorce.
"Un snuff-movie grand public" comme l'a décrit le Fossoyeur de Films, et c'est on ne peut plus vrai : c'est tellement le foutoir le plus dangereux du monde, le plus bobo Hollywoodien qu'on puisse imaginer, que le film ne peut même pas proposer d'intrigue. Une famille rejoint le Padre qui s'occupe de gros chatons, voilà j'ai résumé l'histoire. En fait, la cause animale passe pratiquement à la trappe à cause de ça, à l'écran on voit juste un fantasque qui aime bien manger ses oeufs au plat avec le roi des animaux. Son "assistant", lui, est immédiatement attachant, parce qu'il a un discours un peu sensé (mais on ignore si le film veut le tourner au ridicule...). Dès que le film se permet du développement de personnage, comme la fille provoquant la mère par rapport à l'activité sexuelle, ça semble presque anachronique par rapport à la folie du reste.Du coup, le scénario, on finit par s'en péter nous aussi. Nous, on veut voir les lions, excités ou non.
Les petites musiques (dont celle pseudo-africaine, qui appuie l'inconscience des créateurs vis-à-vis de leurs sujets plus qu'autre chose) sont en totale contradiction avec l'illustration visuelle, où on a l'impression qu'ils vont se faire attaquer en permanence (et niveau son, on ressent aussi que l'équipe s'est dépatouillée comme elle a pu...). Pareil niveau dialogues : ils sont tellement absurdes de naiveté qu'on finit par se demander si c'est du second degrès. Je me rappelle surtout du protagoniste criant à ses financiers s'enfuyant (mise en abyme) "quoi, vous avez peur juste de quelques griffures ?", alors qu'il vient de passer 10 minutes à se défaire de lionnes voulant tremper ses mains de ketchup fait maison. C'est extrêmement troublant. Rarement le fond et la forme auront été autant déconnectés.
Tout ce qui se passe à l'écran, ne peut que susciter une seule question : comment cette famille a réussi à vivre dans des conditions pareilles pendant des années ?? Quels ont été les avantages, réels et/ou durables, d'un tel mode de vie ? Déjà avec des chimpanzés, ça devient ingérable ! La question de la relation humanité-animaux est beaucoup plus complexe que "les animaux sont tous nos amis et ne nous feront jamais de mal si on les aime", je vous renvoie au livre "Homo Sapiens : Une brève histoire de l'humanité" de Yuval Noah Harari pour comprendre les nuances que nous avons avec les autres vies. Evidemment, je précise que je suis le premier à vouloir préserver les fauves, je les aime, mais pour des raisons évidentes, je les inviterai pas dans mon appart, ça ne les aide pas et moi je risque de perdre ma collection d'aimants sur mon frigo.
Enfin bref, énormément de choses à dire sur le film, pas beaucoup en qualités malheureusement. Mais je ne peux pas mettre moins de 6, pour plusieurs raisons. La principale étant qu'avec un tel matériau de base c'est quand même sacrément balaise d'avoir réussi à sortir un long-métrage qui, malgré tout, tient la route et quoi qu'il en soit nous hypnotise par sa folie. Impossible de décrocher, tant les fauves bouffent l'écran. Bien sûr, les accidents conservés sont glauques, les contradictions de la mise en scène que j'ai décrite auparavant sont dérangeantes, mais ce film ressemble tellement à aucun autre, on sait qu'on assiste à un acte de cinéma pratiquement sorti de nulle part et totalement improbable, et surtout qu'il n'y a que des bonnes intentions derrière. Ils se sont donnés corps et âmes pour ce projet, ça se voit et se ressent, et sans non plus avoir du respect pour la démarche de base, on en a pour la conviction et la détermination. Et puis, jamais "Roar" n'essaie de faire culpabiliser son public par rapport aux félins (encore heureux), jamais "Roar" n'est prétentieux et essaie de faite valoriser ses actions (re-encore heureux), mais surtout jamais "Roar" ne cherche à tirer la larme, si on prend les intentions de base qui imprègnent énormément la mise en scène. Même pas une envie de convaincre d'adopter des animaux sauvages pour les préserver. "Non, juste on est à la cool, avec des lions. Le problème, c'est qu'à l'image, ils essaient de nous bouffer. Mais bon, on reste soudés, et il y a une chose dont on ne doutera jamais, c'est qu'on les aime malgré tout ces boules de poils." Moi, ça m'a touché.
Mais, bordel, quand même... Ils vivaient sur quelle planète ?? C'est fascinant, et lourd de leçons.

Billy98
6
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Créée

le 27 juil. 2022

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5 j'aime

Billy98

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