Sous ses airs de blockbuster science-fictionnel fleurant bon la dystopie, Robocop, film d'un Verhoeven en quête de reconquête (?), se permet une violente charge cynique sur son époque mercantile et son devenir, forcément affreux.
Les services publics sont à présent gérés par des conglomérats qui ne pensent qu'en terme de profits et de moindre coups. Ainsi la ville de Detroit (choix prémonitoire s'il en est) et particulièrement sa police se retrouvent sous la coupe (budgétaire) de L'OCP. Ce consortium, pour rénover la ville à moindre frais, désorganise sciemment les forces de l'ordre et laisse ainsi libre cours à la montée de la criminalité. Puis comme il s'agit d'attirer les investisseurs et une nouvelle population plus aisée, ses scientifiques sont chargés de créer la police de demain. Quelques guéguerres internes plus tard, le projet Robocop est lancé...
Dans le même temps, Alex Murphy, flic en patrouille prend sa nouvelle affectation dans l'un des pires secteurs de la ville...
Revisite du Frankenstein de Shelley et donc de son mythe fondateur, Promethée, le film réactualise l'affaire aux nouvelles technologies (de l'époque) que sont robotisation et cybernétique en y mêlant le corps, la chair et le sang, thématiques chères à Verhoeven.
Si fatalisme, cynisme et pessimisme sont de rigueur pour ajouter à la noirceur ambiante, l'ironie mordante ne cesse de planter goulûment ses crocs dans l'échine du spectateur.
Il suffit d'une séquence orgiaque dans un salon qui vire au jeu de massacre, un plan humoristique sur un robot qui paraît intact mais ne l'est plus, une petite réplique assassine, la mimique d'un acteur-friandise (Kurtwood Smith) et c'est votre cervelle qui étincelle en plus de vos mirettes.
Outre le futur Red "fun time is over" Forman du 70's Show, le casting tient la route (Nancy Allen, Ronny Cox, Miguel Ferrer...). Le rôle-titre est tenu parfaitement par Peter Weller, peut-être le plus important de sa carrière. La plupart du temps engoncé dans un costume peu mobile, portant un casque, il parvient à dépasser son cadre de travail et nous transmettre les sensations de vide, ses pertes de repères, la quête de son âme en tant que machine. Boulot brillant.
Verhoeven jette du poil à gratter dans un Sci-Fi d'anticipation qui marquera les esprits et dont le filon sera surexploité (suites, séries, téléfilms, bds...).
Un temps où Hollywood (et le monde ?) était bien moins frileux.
Excellent.