RoboCop 2014 est une excellente surprise en soit, puisqu’il a parfaitement intégré le fascinant concept socio-politique qui entoure Robocop, et qu’il décide lui aussi de l’explorer, en se fixant ses propres règles et en développant son univers. Le remake prend la meilleure tournure qui soit, sans que ses cafouillages ponctuels viennent en diminuer l’impact. Le politiquement incorrect est nettement moins jubilatoire que chez Verhoeven, certes, mais il est bel et bien là, ciblant avec justesse les enjeux qui entourent Robocop, et leur évolution, en prenant des pistes parfois inattendues. Si la question d’Alex Murphy est vite réglée (le réal en profite pour amocher salement Lewis), le film cerne avec une bonne justesse sa condition de cerveau artificiellement maintenu en vie, et commence par faire ressentir le traumatisme en montrant Murphy avec ses seuls systèmes vitaux. Robocop passe la première partie du film sous anti-dépresseurs parce qu’il veut mourir et que les médecins le maintiennent en vie (par enjeu politique, des contrats unissant le chercheur du projet à l’Omnicorp finançant ses travaux). RoboCop sait cultiver les enjeux, autant qu’il sait développer ses personnages et aller dans un sens intéressant. Le chef de l’Omnicorp devient un business man sans morale, mais apte à cerner les attentes du public et à vouloir les combler. Conscient des enjeux du projet, il réalise de bons choix par calcul, et sa logique est limpide. Le docteur chapeautant la conception de Robocop, spécialiste en prothèses robotiques, y voit une énorme opportunité, à la fois juteuse et humainement noble. Mais l’humanité de Robocop, celle qui est promue sur l’affiche, devient vite un problème, limitant son efficacité en face des robots de combats programmés pour appliquer sommairement un programme. Les médecins diminuent alors la part de conscience de l’homme, progressivement, laissant la machine combattre à sa place, tout en lui donnant l’illusion du contrôle. Un très intéressant concept habilement mis en valeur, aidé par le réalisme de la très lourde maintenance du robot (contrôle technique tous les jours, régulation hormonale et nutritive des parties organiques, rien n’est laissé de côté). Robocop, c’est une conscience peu à peu étouffée par des règlements hormonaux et un contrôle de plus en plus poussé de la machine, qui finalement ne brandit plus qu’un visage pour rappeler l’idée originale du projet.

La quête de vengeance revient évidemment, entrainant des dérèglements du système de contrôle. C’est peut être cet aspect de Robocop qui convainc le moins, les brusques dérèglements (et une mise en valeur inégale du traumatisme de Murphy) n’étant jamais expliqués. Car concernant l’entourage familial de Robocop, le schéma suivi est bon. On pouvait craindre des retrouvailles cucul la praline entre l’homme de fer et sa famille, l’entrevue dure à peine deux minutes, et la déshumanisation de Robocop évacue alors les séquences familiales qu’on s’attendait à subir. Le scénario, bien ficelé, fait constamment évoluer ses enjeux, et quand de la corruption arrive, les enjeux politiques pointent alors le problème de la conscience de Robocop, qui outrepasse les ordres en s’en prenant aux personnes de pouvoir. Pas nouveau, mais les personnes puissantes n’aiment pas trop les forces qui font trop de zèle. Inutile de développer la façon dont le film présente les évènements, elle est excellente.

Quelques petits regrets ça et là quand même : la vengeance de Murphy est éludée complètement à l’issue d’une gunfight en caméra thermique, la question de l’ingérence américaine robotisée est surtout exposée plus que traitée (l’attentat terroriste de l’introduction n’est pas très convaincant, malgré la mort du gamin abattu par les ED-209), mais c’est surtout la fin qui déçoit. Cédant à un peu de pyrotechnie avec de solides scènes d’action, le film foire sa cohérence en laissant Robocop abattre son « créateur » malgré le verrou technologique qui était implanté en lui. Le tout sans explication. Un détail impardonnable qui relève presque du sabotage quand on voit l’importance que ce film a attaché aux détails jusque là. Mais avec un discours aussi politiquement incorrect sur les médias (Samuel Lee Jackson trouve encore un rôle cynique dans lequel il excelle), difficile de bouder son plaisir. Robocop est un blockbuster nettement plus sympathique qu’on ne pouvait le croire, et il mérite largement qu’on se déplace pour admirer la performance. Même si la fièvre créatrice de ses concepteurs a pu être étouffée comme la conscience de Robocop (cet aspect du film est-il cathartique ?), le résultat est un feu d’artifice bienvenu qui retourne à l’esprit des deux premiers, moins facétieux, mais plus actuel.

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le 5 févr. 2014

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Voracinéphile

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