Rocketman adopte d'emblée un parti-pris artistique et scénaristique original, à l’image de la personnalité publique que s’est forgé Elton John : sa vie est ainsi romancée en comédie musicale, basée sur ses propres chansons. Ce choix a pour avantage de créer un vrai dialogues entre les personnages via la chanson et une vraie progression dans l’histoire, au lieu de nous faire écouter successivement ses chansons. L’utilisation des chansons n’est pas conditionné à leur écriture ou publication chronologique, mais par leur pertinence par rapport aux événements de l’intrigue et surtout par rapport à l’état émotionnel - souvent torturé - d’Elton John.


Cela peut décevoir ceux qui s’attend en Rocketman à un exposé plus linéaire de la vie et de la discographie du chanteur, dans son parcours jusqu’à la gloire et au-delà, car le film ne met jamais une chanson plus en avant qu’une autre, mélangeant allègrement les époques et les évolutions de style. On peut donc regretter que le film fasse l’impasse sur l’histoire musicale dans lequel s’inscrit son protagoniste, et son impact sur la société. La limite de l’exercice se situe donc dans l’omniprésence du chanteur, également producteur exécutif : le film est profondément ancré dans son point due vue et prend très peu de recul face à son sujet. Le chanteur, même s’il se dépeint parfois comme un sombre connard, rejette d’autant plus la responsabilité de ses actes sur sa famille, qu’il blâme continuellement dans le film - à tort ou à raison. Elton John, en affirmant dès la scène d’entrée être un addict en tout genre et un salaud, arrache notre sympathie et nous force à contempler sa rédemption, à grand renforts de mélodrames - sans compter les sempiternels écrans de génériques vous assénant ses vérités sur la générosité et la grandeur du chanteur.


Il faut en revanche louer la performance de Taron Egerton, qui démontre une très grande palette d’émotions et de jeu avec Rocketman. L’acteur incarne parfaitement toute la flamboyante et la complexité de son personnage, dans sa naïveté comme dans ses travers. Mais le film, comme beaucoup de biopics, ne marquera pas durablement les esprits - car l’histoire qu’il dépeint est déjà connue et se base sur un matériel déjà très riche en documentation — par exemple, il est difficile de saluer la qualité des costumes, car s’il sont bien réussis, il n’y ici qu’une copie de ce qui a déjà existé, et non une vraie recherche.
Mais son exécution au moins relève d’une recherche originale. Même si au fond les deux intrigues mise à plat sur papier sont assez classique, je trouve la mise en œuvre de Rocketman beaucoup plus intéressante que le très sur-côté à mon goût Bohemian Rhapsody. Ce dernier avait fait le choix du réalisme, quand Rocketman assume son côté onirique et fantasque, une manière supplémentaire de parler de son sujet au delà du scénario.

AlicePerron1
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le 1 juin 2019

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Alice Perron

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