La vie et la carrière musicale de Reginald Dwight,plus connu sous le nom d'Elton John.Le chanteur a participé à la production du film,sans doute pour garder le contrôle sur son image,et la réalisation a été confiée à Dexter Fletcher,devenu spécialiste des stars du rock anglais puisqu'il avait dirigé l'année précédente,sans être crédité,une bonne partie de "Bohemian Rhapsody" qui racontait l'histoire du groupe Queen,et principalement de son leader Freddie Mercury.Il existe d'ailleurs de nombreux points communs entre Elton et Freddie,deux britanniques middle-class assez discrets à la base avant de devenir progressivement totalement extravertis,ayant commencé par tourner avec des groupes et qui ont découvert tardivement leur homosexualité après avoir vécu des expériences avec des femmes.Le film montre bien que tout ce qui semble aujourd'hui évident,depuis le temps qu'on connait le bonhomme,n'était au départ nullement prévisible.Ni le fait d'être chanteur,ni le goût pour les hommes,ni les looks extravagants ni les déchaînements scéniques.Gamin timide et mal-aimé le petit Reginald courra toute sa vie derrière l'amour et l'estime de ses parents,sans parvenir apparemment à les obtenir.Ses rapports avec son père notamment,un militaire froid et rigide qui abandonnera sa famille quand Reggie avait 15 ans,seront toujours décevants,même lorsqu'il réussira,et sources de traumatismes.Heureusement il y avait sa grand-mère affectueuse et la détection dès ses dix ans,à la fin des années 50,de ses étonnantes prédispositions pour le piano.Formé à la Royal Academy of Music de Londres,pour laquelle il obtient une bourse,il se dirigera ensuite vers des rythmes plus modernes et jouera dans le groupe Bluesology,un des nombreux ensembles de la très vivace scène pop-rock anglaise du début des sixties.Désirant devenir chanteur il fera le tour des maisons de disques et rencontrera par hasard un jeune parolier aussi inconnu que lui,un certain Bernie Taupin,ce qui scellera la naissance d'une indéfectible amitié et d'une collaboration artistique des plus fructueuses.Associés,les deux garçons ne tardent pas à s'imposer comme des machines à tubes,les compositions d'Elton et les textes de Bernie flashant irrésistiblement.Après ce sera l'envol pour les Etats-Unis,la starisation mondiale et tout ce qui va avec,la gloire,l'argent,mais aussi la dépossession de soi-même,la solitude et le déséquilibre mental.Le mec sombrera complètement dans toutes les addictions possibles et imaginables,le sexe,la drogue,l'alcool,les médocs,impactant sa santé au point qu'il est incroyable qu'il soit encore vivant.Ce parcours hors norme est narré brillamment par Fletcher,qui prend le parti d'axer son film sur le grand spectacle plus que sur le réalisme.La vie de John est déclinée sous forme de tableaux,généralement musicaux,et consiste en une orgie de musiques,de chansons,de décors,de costumes et de chorégraphies.Elton,vêtu d'un de ses improbables costumes de scène,s'installe au milieu d'une réunion d'alcooliques anonymes et relate son existence via des flashbacks qui illustrent son enfance,son adolescence,sa vie de jeune adulte et de vedette du showbiz.C'est dynamique à souhait,ça bouge tout le temps,les musiques,principalement des chansons de l'artiste,sont fantastiques et on se trouve immergé de manière ludique dans cette histoire qui est au fond essentiellement tragique.Le script introduit cependant des notations humoristiques qui allègent l'ambiance avec souvent un recul cynique très british,ainsi que de jolis moments d'émotion,comme quand Elton entonne "Your song" au piano dans la petite maison de sa mère,sublime chanson que Bernie vient d'écrire en vitesse à la table de la cuisine et que le compositeur met en musique illico,l'inspiration à l'état brut.Les séquences de shows font régulièrement décoller l'histoire car le mec a le sens du spectacle et un vrai talent.Quand il se met à égrener les paroles désabusées de Taupin de sa voix puissante idéalement posée sur les volutes musicales sophistiquées de ses compositions tout en se déchaînant au piano,il se passe vraiment quelque chose.Taron Egerton,bien meilleur que dans les "Kingsman",s'est abandonné corps et âme à son personnage,effectuant un travail impressionnant et donnant à Elton une humanité qui transcende la dimension clownesque du gars.Il avait déjà tourné un biopic pour Fletcher,"Eddie the Eagle",sur le sauteur à skis Eddie Edwards.Jamie Bell est fantastique dans le rôle de Taupin,qui est l'antithèse de John.Toujours lucide le garçon profite de ce qu'il n'est pas exposé publiquement pour adroitement éviter les pièges de ce milieu toxique tout en soutenant quoi qu'il arrive cet ami peu gérable.Bryce Dallas Howard fait un numéro surprenant en mère du chanteur,incarnant de façon subtile cette femme distante et frustrée,un poil nympho,qui ne sera jamais vraiment proche de son fils.Le tonitruant Stephen Graham crève l'écran sous les traits du gueulard et mal embouché Dick James,le premier éditeur d'Elton,et Gemma Jones est très bien en grand-mère compensant comme elle peut la détresse affective du jeune Reggie.Richard Madden en revanche n'a aucun relief,ce qui est dommage vu qu'il tient un rôle important,celui du manager John Reid,amant et impresario d'Elton,qui est ici présenté comme un beau salopard manipulateur et uniquement intéressé par le potentiel financier de son poulain,engendrant chez celui-ci une détresse amoureuse qui n'arrangera pas sa psyché perturbée.Bizarrement,comme on se retrouve,l'homme fut à une époque le manager de Queen.

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le 13 juin 2022

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