Alors que l’on pensait que tout avait été dit, que tout avait été fait, Rocky est revenu. Seize ans après avoir bouclé sa dernière aventure dans un combat de rue nocturne, Rocky revient pour un dernier combat, après tout ce temps.
Rocky V nous avait laissés avec un Rocky dépossédé de tout, qui avait tout de même su faire triompher la justice, ou plutôt sa justice, dans un monde qui ne semble plus lui correspondre, mais où il reste toujours respecté. Rocky Balboa vient annoncer la couleur dès le début, montrant Rocky se recueillant sur la tombe d’Adrian, disparue depuis d’une longue maladie, elle qui avait poussé ce jeune homme désœuvré de Philadelphie à atteindre les sommets, et à surmonter toutes les épreuves qu’il a dû affronter. L’émotion s’empare immédiatement du spectateur, qui se remémore aussitôt tous les souvenirs vécus précédemment, qui appartiennent désormais au passé. Gris, hivernal, froid, c’est un monde dépossédé de sa lumière et de sa chaleur dans lequel évolue Rocky, devenu une âme errante qui s’attache aux souvenirs pour affronter le présent.
Auparavant héros de son temps, Rocky est devenu un fantôme du passé, un astre éteint qui ne brille plus que par intermittence. Le recueillement sur la tombe d’Adrian, le retour sur les lieux de la patinoire où il avait emmené amener Adrian faire un tour, et qui est désormais démolie, le souvenir de la première fois où il l’a invitée chez lui… Rocky marche sur les traces de son passé, au grand dam de Paulie, offrant la vision d’un monde qui fut, que l’on a connu avec Rocky, et qui n’existe plus aujourd’hui. Avant, Rocky devait déjà lutter pour se relever, mais aujourd’hui, il est redevenu seul. Adrian, Mickey, et Apollo sont morts, seul subsiste Paulie qui erre aussi comme une âme en peine, pendant que Rocky a gardé comme activité la gestion d’un restaurant où il aime régulièrement raconter les mêmes histoires aux clients, pour les divertir, pour renouer avec son passé glorieux, mais en s’emmurant pas la même occasion dans ce passé dont il n’arrive plus à se détacher.
Ce décalage manifeste entre le monde dans lequel vit Rocky et le monde réel s’observe notamment dans sa relation avec son fils, toujours aussi difficile, marquée par la distance, son fils ayant choisi un travail certes peu épanouissant, mais à même de l’extirper de l’ombre de son père, qui l’a affublé d’un nom à jamais relié à la boxe et à son histoire. Fantôme issu d’un monde de fantômes, Rocky va resurgir à l’occasion d’un combat virtuel issu d’une simulation d’affrontement entre lui au sommet de sa forme et le champion incontesté actuel, qu’il battait dans ce duel imaginaire. L’opportunité de défier toute probabilité en renfilant les gants à 60 ans, effaçant certes étonnamment l’inaptitude définitive montrée dans Rocky V, mais donnant lieu à un magnifique retour. La nuit cède la place à la lumière, et la flamme jaillit à nouveau, pour que Rocky se débarrasse une bonne fois pour toutes de la « bête » comme dit Paulie, celle qui lui donne une raison de vivre, mais qui l’empêche de pleinement vivre aujourd’hui également.
L’héritage est à l’honneur dans ce sixième film, montrant celui de Rocky au sein du peuple en général, mais aussi les parties de lui qu’il a pu laisser autour de lui, comme chez Paulie, Spider Rico et surtout la petite Marie, devenue grande. Alors que Rocky V faisait sortir Rocky par la petite porte pendant une période troublée, Rocky Balboa permet à Stallone de faire le bilan sur son œuvre et sur sa vie dans un film plus empreint de sagesse et, surtout, de cette nostalgie aussi prégnante, touchante et émouvante, caractéristique de cette saga. Débordant d’humanité à chaque plan et dans chaque dialogue, à commencer par le célèbre monologue qu’il adresse à son fils (« Je vais te dire un truc que tu sais déjà. Le soleil, les arcs en ciel, c’est pas le monde !… »), c’est un film qui ne manque pas de toucher, notamment lorsque l’on a parcouru toute la saga juste avant et accompagné ces personnages dans leurs aventures et mésaventures, toutes inspirantes mais profondément humaines. Rocky Balboa offre à Rocky un dernier baroud d’honneur, et un épilogue sous les clameurs d’une foule qui lui offre une sortie digne de ce nom, à l’image du héros populaire qu’il est.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art