L'intérêt principal du film éponyme de Jacques Doillon à la base était d'être centré sur le sculpteur Rodin et son travail. Cette démarche était louable mais était-elle accessible au plus grand nombre en filmant des séances de poses, le travail de la terre ou des discussions théoriques? Si ces éléments avaient été parlants, le pari aurait peut être pu être relevé. Or, l'immersion dans le travail de Rodin est plus figurative qu'elle fait naître du sens. Quand la leçon de sculpture veut s'inviter dans le biopic, le rythme du film en prend un coup, les points de vue sont hésitants. Tandis que le rôle du biopic est d'éclairer le réel, il est alors en contradiction avec l'expression même de l'art dont la mission est de dépasser justement la réalité. Première facherie du film.
Au niveau du contenu même, choisir de revisiter la liaison entre Rodin et Camille Claudel sous un angle plus artistique que passionnel était une autre promesse. Cette posture permettant de ne pas répéter complètement la performance entre Isabelle Adjani et Gérard Depardieu a pourtant ses limites. En effet, difficile de montrer comment la jeune sculpteur s'est affranchie artistiquement de Rodin alors que leur amour s'était déjà insinué dans leur relation maître/disciple. Au contraire, c'est plutôt l'apparition de Rose, la première femme du sculpteur, qui montre la vraie difficulté pour une conjointe hors de l'artistique de vivre aux côtés d'une personnalité dévorée par son art. Un point de vue pas inhabituel mais bien abordé par Doillon cette fois. Reste que Vincent Lindon et Izia Higelin n'ont pas de scènes d'une intensité remarquable à défendre et que leurs prestations en deviennent beaucoup trop sobres. Séverine Caneele avec ce rôle véritablement ingrat ( en étant l'absente de l'atelier qui doit faire une bonne figure domestique)est pourtant celle qui convoque les rares moments de vérité du film. Une prestation qui devrait ravir Bruno Dumont, qui lui offrit son premier rôle dans l'Humanité.
Dernier point mais de taille. Le basculement de Camille Claudel vers la folie est suggéré dans une discussion entre son frère Paul et Rodin. Comme si le réalisateur ne voulait pas explorer ce fait avéré , qu'il voulait rendre à la jeune femme sa situation d'artiste avant son effondrement psychologique. C'est bienveillant mais ça prive Izia Higelin de scènes évocatrices et habitées qu'elle aurait pu défendre.
L'un dans l'autre, Rodin aurait pu être un meilleur film si la vie de l'artiste était un peu plus sortie de l'atelier. Ses amitiés avec Zola et Cézanne sont évoquées dans des scènes trop rapides. En ayant choisi l'optique l'art dans la vie plutôt que l'art et la vie, Doillon est un peu passé à côté de l'essentiel et c'est plutôt dommage.