D'un côté, un cinéaste qui tourne la Passion du Christ sur une colline dans la banlieue romaine. Orson Welles prête ses traits à ce cinéaste. De l'autre côté, un bon bougre qui fait le figurant. Giovanni doit jouer le bon larron qui se fait crucifier à la gauche du Christ. Mario Cipriani incarne ce figurant. Le cinéaste est toujours assis sur son fauteuil de « regista ».


Tel un Dieu, il domine la situation, donne ses ordres aux assistants qui les hurlent aux acteurs et figurants, dans un écho démultiplié. Un assistant se trompe de musique pour le tableau du Christ que l'on décroche de la croix. Au lieu d'une musique solennelle, c'est une chanson yéyé. Tout au long de La Ricotta, le récit jouera sur le décalage entre le profane et le spirituel.


La ricotta est ce fromage bas de gamme que Giovanni mange jusqu'à ce faire péter le bide. Pauvre mais digne, il avait donné son panier repas à sa femme. Il n'a plus rien pour lui et tout le monde s'en moque sur le plateau. Obligé de se déguiser pour en prendre un deuxième, un chien dévore le sandwich quand il a le dos tourné. Il aurait pu se servir de la bouffe en abondance qui servait pour la scène de la cène, mais cela aurait été un péché.


On voit ce pauvre Giovanni courir avec son linge autour de la taille pour unique vêtement à travers champ. Pasolini le filme en accéléré avec une musique enjouée mais c'est bien un drame que vit le personnage. Il représente la pauvreté universelle que personne ne veut voir, dont personne ne veut entendre parler. On le voit traverser un troupeau de moutons qui s'enfuient à son passage. Les autres figurants se moquent de lui.


Le cinéaste se présente comme catholique archaïque mais aussi comme marxiste. Il daigne, avec mépris, répondre à un journaliste. Mais à seulement quatre questions. Chacune des réponses le montre comme un homme imbu de lui-même mais qui se croit près du peuple en donnant son sens premier au message du Christ. Il préférera la compagnie mondaine des bourgeois et du maire venus sur le plateau à celle de l'équipe et des figurants.


La reconstitution des scènes est en couleurs, dans une imitation du style de Caravaggio. Les figurants ne bougent pas, c'est un tableau vivant que l'on découvre, ultra composé et académique. Le reste du film, sauf la première séquence, est en noir et blanc. Le chaos règne sur le plateau où se sont les ragazzi qu'aime tant filmer Pasolini qui sont les maîtres et non plus le cinéaste.


Pier Paolo Pasolini se moque de lui-même, comme de ses collègues réalisateurs, dans La Ricotta. Il fustige aussi les films à messages. On voit Orson Welles lire des extraits du scénario de Mamma Roma. Pour ne pas passer pour le donneur de leçons de service, il met beaucoup d'humour dans son court-métrage. Son film suivant sera L'Evangile selon Saint Mathieu, une lecture néo-réaliste de la vie du Christ. Ce fût une révolution cinématographique.


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le 8 oct. 2015

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