Comme un éclat de rire sardonique...
La Ricotta, c'est le premier Pasolini "comique" que je vois. Hé ben c'est particulier...
Une équipe de tournage. Le réalisateur, joué par Orson Welles, veut recréer la Passion en entassant ses acteurs en composition fixe, comme des retables. Un figurant, Stracci, un gros souriant qui joue le bon larron, meurt de faim, mais à chaque fois il est empêché de déjeuner : la première fois, il nourrit une famille pauvre. La seconde, le loulou de la vedette féminine le mange à sa place. Pour se venger, il le vend à un journaliste madré. En échange, il achète du pain et de la ricotta (sorte de fromage frais battu), mais il est interrompu car le tournage reprend : on le crucifie, mais le personnel du plateau se moque de lui (ils lui présentent de quoi manger, puis l'ôte de sa bouche. Idem pour du soda. Mais on décide de tourner une autre scène : Stracci retourne manger dans son coin, mais il mange tellement goulûment que le staff, qui en rit, lui jette à manger comme à un singe. Pendant que le réalisateur donne un cocktail à ses invités, Stracci doit dire une réplique sur sa croix, mais on s'aperçoit soudain qu'il est mort. D'indigestion.
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Humour macabre donc, qui rappelle le roman de Renart avec ce personnage qui est obsédé par la bouffe, en contraste avec le reste de l'équipe, assez décadent : entre deux scènes, ils dansent sur du twist, demandent à une actrice de faire un strip-tease pour les délasser et ne semblent pas enthousiasmés par le contenu du film, mais le font quand même, en salariés obéissants. En contrepoint des morceaux de Gluck que le réalisateur veut sur ses séquences. Le personnage du réalisateur, suffisant et misanthrope, est également du côté de la caricature.
L'esthétique du film est assez composite : les passages filmés sont en couleur aux dominantes pastels (sauf les natures mortes, fort belles), tandis que les passages montrant le tournage sont tournées dans le beau noir et blanc de Pasolini, seulement à moitié naturaliste. Il y a aussi les passages en accéléré montrant Stracci qui court, sur une musique au clavecin accélérée aussi (Pasolini préfigure-t-il Benny HIll ?).
C'est un Pasolini à l'humour rude, mais peut-être une bonne introduction à l'univers de ce réalisateur.