Cruelle déception que ce Rogue One ! Le spin off, qui avait l'occasion de se démarquer de la série canonique en profitant d'une liberté - certes relative - plus importante, échoue lamentablement dans chacune de ses pistes narratives à proposer autre chose qu'une soupe indigeste, inutilement alambiquée et issue d'une recette bien trop calibrée.
Bien sûr, le film possède des qualités esthétiques indéniables, notamment dans ses rapports d'échelle. En dépit de quelques fautes de goût (le cou ridicule de Vador), Rogue One est difficilement critiquable sur sa plastique.
En revanche, il pêche terriblement du côté de son écriture, et représente un exemple parfait d'une des premières leçons données aux scénaristes en herbe : show me, don't tell me. Pour faire simple : mieux vaut toujours montrer des personnages en action que de leur faire dire qui ils sont, ou ce qu'ils remplissent comme fonction. Or, Rogue One passe son temps à priver le spectateur de toute forme d'action (au sens premier du terme) et a systématiquement recours à la parole pour tenter de donner corps à ses personnages ou situations.
Deux exemples pour illustrer cela :
Le personnage incarné par Forrest Whitaker est décrit comme "un dangereux extrêmiste" : quelle situation légitime cette définition ? Si l'on se contente des seules scènes de l'acteur, il apparaît simplement comme une figure paternelle légèrement allumée mais en rien redoutable ou trop instable pour collaborer avec l'Alliance. Au contraire, c'est même plutôt cette dernière, avec sa consigne secrète d'assassiner Galen Erso, qui constitue dans les faits la menace la plus tangible.
La relation Jyn Erso / Saw Gerrera : la fonction que Rogue One veut attribuer à Saw Gerrera aux yeux du spectateur est celle d'un ancien mentor ayant trahi la confiance de l'héroïne. Or, rien n'est montré de tout cela. C'est, au contraire, Saw qui vient au secours de Jyn dans l'introduction du film. Rien ne nous indique par la suite qu'il ait pu la trahir d'une quelconque manière. Rien, sinon une ligne de dialogue de Jyn, une fois encore. Jyn qui, par ailleurs, n'a de cesse de se définir elle et ses pensées dans ses dialogues, une manie très vite agaçante.
Il s'agit donc pour ma part d'une véritable déception, d'autant plus que le film avait un formidable potentiel pour déployer un discours sur la rébellion et ses luttes internes. Rien de tout ça ne sera malheureusement évoqué. Reste un film beau, mais totalement creux. Une magnifique coquille vide et sans saveur.