Troisième film de Gareth Edwards, Rogue One a la lourde tâche de présenter pour la première fois sur les écrans quelque chose d’autre que les histoires de jedi prodiges. Qui n’a pas entendu « Mais ce n’est pas la suite du 7 ? », de l’absence des héros déjà connus ou du manque de générique déroulant. Allons, il y a toujours du bon en lui.
Ces différences sont pour ma part le premier pas qui différencie cet opus plus proche de l’univers désormais « Légendes » que du Canon officiel des films : Il ne s’agit pas d’un nouvel épisode, ni d’une avancée dans l’histoire que présente la nouvelle saga, il s’agit d’un retour en arrière, d’un bond vers l’histoire des Rogues, ces pilotes intrépides, ces rebelles aux missions impossibles.
Bien que simple, le scénario possède cependant un atout de force, celui de présenter une guerre en tant que telle : Si l’Empire reste par définition mauvais, le blason de la Rébellion en prend plein la gueule. Et ça fait du bien. Finis les gentils héros qui servent une liberté utopique, afin de vaincre l’Empire, il faut se salir les mains et abattre son adversaire : sabotage, corruption, vol, meurtre. Le manichéisme s’en prend un vilain coup dans l’aile et les personnages sont torturés et possède une véritable profondeur d’âme, comme le soldat qui combat depuis trop longtemps et dont la paranoïa a détruit la logique ou celui qui ne fait qu’obéir aux ordres et qui fait cela pour la Rébellion afin d’alléger sa conscience. Chaque personnage a son histoire, aussi tragique soit-elle, et la restitue par ses actions et ses choix au sein de la Rébellion ou de l’Empire.
Ces personnages sont incarnés par des acteurs à la hauteur, qui s’acquittent de la tâche avec brio, dont la performance n’est réduite que par la vf qui n’est pas toujours égale. Felicity Jones livre une Jyn Erso tourmentée, Diego Luna un Cassian Andor héroïque et Ben Menselsohn un Orson Krennic plein d’orgueil, et tant d'autres pour notre plus grand plaisir. Petite mention spéciale à deux acteurs surprenant, je ne m’y attendais pas vraiment et c’est réellement bluffant, ceux qui ont vu le film comprendront.
Visuellement, c’est également très agréable : Des étendues sauvages de certaines planètes aux lieux clos des temples et vaisseaux, en passant par l’espace, étendue magnifique et glaciale, les personnages évoluent dans des décors somptueux, toujours plus réalistes. Si c’est une chose pour laquelle j’attendais Edwards sur ce film, c’est ça : le visuel. Godzilla était visuellement d’une beauté incroyable pour moi et sa patte se fait sentir dans Rogue One. Que ce soit du détail sur les personnages (ce casque de Stormtrooper couvert de terre, usé par les conditions de la planète sur laquelle il se trouve) ou sur les décors (la ville de Jedha), il réussit à dépeindre un univers vivant et qui tranche avec ce que l’on a pu voir au cinéma sur Star Wars. Dans le fourmillement de détails, on trouve un bon paquet d’easter eggs et qui m’a fait poser cette question : n’est-ce pas là un meilleur hommage à la saga que ne l’a été l’épisode 7 ? (et cela, malgré l’amour que je porte pour TFA)
Difficile également de ne pas penser aux thèmes de John Williams quand l’on pense à Star Wars. Michael Giacchino, prolifique ces dernières années entre divers OST (Doctor Strange et Star Trek Beyond pour les dernières), lâche quelques morceaux sympathiques, en reprenant les airs bien connus, qui accompagnent bien le film, sans pour autant vraiment se démarquer mais qui servent bien le film, notamment dans les derniers moments de celui-ci.
Bien, maintenant, je vais parler de la fin du film, et donc, ça va spoiler, mais sévère, alors allez directement à la fin pour la conclusion si vous ne voulez pas vous gâchez le spectacle qui vaut clairement la peine d’être vécu.
Le final du film est, pour moi, la plus grande réussite de l’œuvre. Dans A New Hope, on sait qu’il y a eu des pertes terribles pour que les plans de l’Etoile Noire parviennent à la Rébellion, mais on ne sait pas qui, ni ou ni comment. C’est le principe des Rogues (qui renaitront plus tard sous le commandement de Luke Skywalker et Wedge Antilles), des missions discrètes, sans filet, suicidaires pour la plupart.
Et là, Rogue One se pose en maître. Les pertes sont lourdes et dès que les premières sirènes retentissent sur Scarif, le sort est scellé. L’impact émotionnel est là, même si l’on devine la fin, on se dit qu’il y a toujours une petite chance pour que ça se passe différemment, « Hey, on est dans un Star Wars ! » objecta mon voisin de derrière quand son comparse lui dit que ça va mal finir. Surprise mothafucka.
J’étais conquis, et je n’étais pas le seul : la salle était comble, bruyante, comme peut l’être une salle pour un film familial. Cependant, après l’ultime attaque sur Scarif, un silence de mort pesait dans la salle. Du jamais vu pour moi, un frisson glacé me parcourant l’échine. Il n’y a que des vrais héros chez les Rogues, car le héros n’est-il pas «* un homme qui réalise, au prix de n’importe quel sacrifice, le plus haut idéal du devoir, tel qu’il le conçoit.*» ?
Rogue One est un film Star Wars comme j’aurais aimé en voir plus tôt : Profond, affranchi des limites d’une saga, capable d’offrir une histoire mélangeant l’épique et le dramatique sans appeler à voir l’épisode suivant, comme sont capables d’offrir les différentes œuvres de l’univers étendu ; car oui, Rogue One s’affranchit de bien de ses prédécesseurs : il reste dans l’univers connu du grand public, mais donne enfin la chance à d’autres héros de prendre place. Le challenge est réussi, un film partant d’une simple ligne dans le premier opus, qui donne enfin un aperçu de ce qu’est le destin des Rogues.