A plus d'un titre, il est intéressant de comparer ce Rogue One au Réveil de la force. D'un côté, le projet qui s'inscrit dans la série officielle, celle qui sert de référence et qui est surveillée par toute une pléthore de fans aux aguets, de l'autre un épisode intercalaire que l'on ne sait comment qualifier.
Et un constat s'impose vite. Là où Abrams, avec tout le talent qu'on lui connaît, joue au fan service (ce qu'il sait très bien faire, on l'avait déjà vu avec Super 8 ou Star Trek), Edwards n'hésite pas à secouer ces mêmes fans.
Après l'échec de la prélogie, on comprend parfaitement qu'Abrams ait voulu miser sur un retour aux sources en reprenant tous les éléments qui avaient fait le succès de la trilogie originelle. Cela ne gâche rien à son talent, et son film constitue, à plus d'un titre, un divertissement plus qu'agréable.
Mais ce qu'a fait Gareth Edwards...
On n'est plus dans la même dimension !
D'abord, côté narration, le film est tout simplement passionnant. Aucun temps mort, aucune séquence inutile, un sens du rythme sans faille, une montée en tension extraordinaire jusqu'à un combat final qui restera dans les annales du space opera, les qualités se cumulent.
Mais l'ambiance est bien différente des films originaux. Plus sombre, plus crasseux, plus violent. Même les quelques notes humoristiques, surtout grâce au droïde, relèvent d'un cynisme noir. L'action est plus crue, plus brutale, plus directe. Le film dégage cette atmosphère sombre qui reflète le désespoir d'une rébellion aux abois. La réunion du comité de la rébellion, qui aboutit à l'idée de ne pas intervenir, a même des allures de Conseil de Sécurité bloqué par un veto russe (c'est dire à quel point c'est déprimant!).
A ce titre, ce film est, de tous les longs métrages de la série, celui où les personnages sont les mieux travaillés. Au lieu d'imposer une opposition frontale Empire vs Rébellion, le film regroupe toute une série de personnages qui sont des indépendants, des free lance pourrait-on dire. Entre Forest Whitaker qui joue au Colonel Kurtz handicapé enfermé dans sa forteresse de pierre, et le pilote de cargo impérial qui retourne sa veste, les personnages sont impossibles à situer précisément. Certes, on ressent facilement les gentils contre les méchants, mais les personnages sont plus borderline, passant d'un camp à l'autre (à l'image du droïde reprogrammé). Donc des personnages suspects des deux côtés. D'où cette situation d'une rébellion à l'intérieur de la rébellion...
Qui dit personnages dit interprètes. Et le casting est très beau, le plus beau de la série : Forest Whitaker, Mads Mikkelsen, Jiang Wen et surtout la présence notable de Donnie Yen.
Les scènes d'action sont impressionnantes. L’Étoile de la mort apparaît vraiment pour ce qu'elle est, une arme terrifiante (la scène de la destruction de Jeddah est remarquable à de nombreux points de vue).
Plus sombre, plus violent, plus désespéré, ce Rogue One fait vraiment rentrer la franchise Star Wars dans le XXIème siècle, et dans le monde des adultes également. Une belle réussite.
[8,5/10]