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Losque Disney à racheté Lucasfilm, il était évident qu'ils allaient nous ressortir une trilogie Star Wars. Ce qui fut plus déstabilisant c'est l'annonce de spin-off qui allaient accompagner cette nouvelle trilogie pour être sûr de capitaliser un maximum d'argent avec la franchise. La démarche est douteuse surtout que les films s'oriente sur des éléments scénaristiques vains et dont on peut se passer sans aucun problème. Pourtant, quand le nom de Gareth Edwards fut rattaché au projet, une certaine curiosité pointait le bout de son nez, le cinéaste ayant une patte artistique qui lui est propre et sa volonté de faire un film de guerre différent de ce que la saga a offert était alléchante. Mais plus la sortie approchait, et plus les rumeurs d'un tournage catastrophique émanaient, avec reshoots importants à la clé et un réalisateur qui se voyait dépossédé de son film. De quoi laissé perplexe quand à la qualité final de l'oeuvre.


Il semble que ce soit un trait commun à tout les blockbusters modernes maintenant, c'est de vendre un film a partir de trailers fait avec des images qui ne seront pas dans le film. On a vu ça dans Suicide Squad et maintenant on retrouve ça avec Rogue One. C'est la faute des studios qui veulent faire les malins en montrant qu'ils cherchent à s'imposer avec des blockbusters plus personnels mais qui panique lorsqu'ils se rendent compte que le cinéaste dévie trop du cahier des charges et qu'ils viennent lui mettre des bâtons dans les roues. Car beaucoup de plans, pourtant très classes, présentés dans les trailers, même les plus récents, sont totalement absents de cette version finale. Mais la chose la plus surprenante, c'est que contrairement à Suicide Squad, ce manque n'entache pas la qualité du film. Maintenant on peut beaucoup trop se référer à ce qu'aurait dû être le film, pour qu'on puisse pleinement apprécié celui qui nous est offert. Avec Suicide Squad, très peu tenait debout et on ne reconnaissait pas le cinéaste qui était derrière, alors qu'avec Rogue One l'ADN de Edwards est encore très présent et il devient vain de dire que ceci n'est pas son film malgré quelques changements dans le troisième acte.


D'abord, la grosse réussite du film vient de son scénario qui accepte totalement son côté inutile, vu que l'on sait déjà comment cela fini, mais qui pourtant arrive à se montrer indispensable arrivant même à rayer quelques incohérences de la trilogie originale. Le fan service est aussi bien mieux utilisé que dans l'épisode 7 de J. J. Abrams car il fait ici partie intégrante de l'histoire. L'intrigue se révèle simple et efficace, mêlant habilement film de casse et film de guerre pour un rendu à la fois différent de la saga mais aussi très respectueux de son héritage. C'est le film qui parvient le mieux à s'approcher de l'aspect politique et religieux des œuvres originelles de Lucas. Il s'avère être un prequel plus audacieux que la prélogie sans pour autant la renier et lui apportant même une nouvelle dimension et il arrive à redonner corps à une certaine dramaturgie de la saga. On se retrouve face à l'opus le plus sombre, mature et aux enjeux forts depuis The Empire Strikes Back, loin de l'émerveillement bon enfant et un peu vain, même si efficace, de l'épisode de Abrams. On est d'ailleurs face à un film de personnages plus réussi, même si paradoxalement c'est celui qui ne cherche pas à les installer dans le temps. L'épisode 7 faisait pleins d'erreurs avec ses personnages trop lisses ou mal réutilisé mais ici on se retrouve face à des individus plus complexes et intéressants à suivre.


Même si ils souffrent d'un manque de développement certain, en raison de l'aspect spin-off, et que certains pourront reprocher aux "gentils" un manque de motivations, on se retrouve face à des personnages moins manichéens que d'habitude. Sans les sith et les jedi, le film parvient à réactualiser la réflexion du bien et du mal de la saga pour ne plus en faire une chose spirituelle mais quelque chose de plus terre à terre, tout les personnages étant des gens "normaux". On arrive à la fois à comprendre les convictions des "méchants", le film possède un formidable antagoniste, mais aussi ceux plus nébuleuses des "gentils". Leurs absences de motivations symbolise avant tout une nécessité d'agir, face à la fin du monde libre ils n'ont plus d'autres choix que de se battre pour la liberté de chacun, chose que le personnage principal sera amené à comprendre de manière convaincante sans que l'écriture n'en fasse trop. Les relations entre les personnages sont bien exposés, à l’exception d'une romance pas nécessaire, et la dynamique de groupe fonctionne à merveille amenant à un final assez touchant par moments. Surtout que chaque acteurs se révèlent très bon, Felicity Jones tient le film admirablement et s'impose en une héroïne charismatique, Diego Luna excelle dans un rôle plus ambigu que les autres, Donnie Yen surprend dans sa prestation touchante et à fleur de peau tandis que Ben Mendelsohn brille encore une fois dans un rôle de méchant que l'on adore détester. On regrettera peut être la partition effacée de Mads Mikkelsen et celle totalement en roue libre de Forest Whitaker.


Là où Rogue One surprend aussi, c'est qui s'avère être le seul film qui mérite le titre de "Star Wars" alors qu'il ne le porte pas vraiment. Gareth Edwards offre une mise en scène plus brute, proche des corps avec sa caméra portée à l'épaule, tout en évitant l’écueil du cinéma "vérité", et construit un vrai film de guerre. Sans concession et souvent très âpre dans son exécution. Il réinvente vraiment la manière de mettre en images un Star Wars tout en s’affranchissant des codes de la saga. Pourtant il respecte totalement ce qu'il touche, il suffit de voir la façon dont il met en scène Darth Vader, celui-ci n'a jamais paru aussi terrifiant et il est totalement ré-iconisé par Edwards. La démarche est impressionnant et on reconnait des plans iconiques tirés de film de guerre, le cinéaste digère parfaitement ses influences et offre un film marqué par le conflit du Vietman et qui explose dans un dernier tiers épique et tonitruant tout en étant un des meilleurs climax de toute la saga. Aussi accompagné d'une photographie léchée et crépusculaire, le film déçoit un peu dans le score anecdotique de Michael Giacchino qui semble être de moins en moins inspiré dans son travail.


Rogue One : A Star Wars Story est un prequel très réussi à la trilogie originale. Véritable réinvention de la saga tout en étant parfaitement respectueuse de son héritage, c'est un film qui se révèle meilleure que bien des épisodes canoniques et qui nous confirme que Star Wars est entre de bonnes mains. Même si l'opus de J. J. Abrams commence à avoir ses détracteurs, il faut reconnaître qu'il y a un profond respect dans leurs démarches et que l'on va plus loin que la simple entreprise pour faire du profit. Ce sont des films qui ont des choses à raconter et qui vont au bout de leurs intentions. En ça, Rogue One est bien écrit malgré certaines concessions sur les personnages, mais le tout se suit avec simplicité et efficacité surtout que c'est tenu par une mise en scène exaltante qui explose dans un final dantesque et accompagné d'un casting impliqué. Rogue One : A Star Wars Story est non seulement un des meilleurs blockbusters de l'année, mais il est en plus l'épisode de Star Wars le plus abouti et pertinent depuis The Empires Strikes Back. Une grande réussite.

Frédéric_Perrinot
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le 18 déc. 2016

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