Towards the within
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le 16 avr. 2016
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Je ne sais pas vraiment par quoi commencer. L'histoire, la mise en scène, les acteurs ? Tout est bon, tout est sublime. Et on prend encore une claque dans les salles obscures.
Dès le début, les premiers plans, les premières respirations, les premiers souffles et chuchotements, on y est. On est dans la chambre, on est dans ce huis clos et on ne respire plus, on ne fait plus de bruit. On est avec eux. Et cette sensation de proximité ne nous quitte pas du film puisque jusqu'à ce qu'ils réussissent à s'échapper, on souffre, on rit, on tremble avec eux et on a peur. On se prend d'affection pour ce petit garçon si mignon et cette femme admirable par sa force. Toujours là à le divertir, à le faire rire, à l'occuper dans une dizaine de mètres carrés où tout est petit et fermé, à lui faire oublier cet enfer finalement qu'ils vivent depuis des années puisqu'elle s'est faite enlevée par l'homme qui les garde prisonniers. Le film est un va et vient incessant entre amusement et gravité. Les scènes de terreur où on les voit soumis aux règles de ce tyran chassent celles où Jack (Jacob Tremblay) et Joy (Brie Larson) s'amusent. Leurs sourires sont aussitôt remplacés par leur peine, leur peur et angoisse et la protection de cette mère par rapport à son fils est d'une beauté indescriptible. Alors l'ascenseur émotionnel permanent qu'est ce film est grandiose et ce dur mélange de sentiments nous bouleverse.
Room est divisé en deux parties bien distinctes, la première repose sur leur vie captive entre ces quatre murs et Lenny Abrahamson réalise ça de manière très astucieuse pour que s'éveillent tout de suite en nous des questionnements et de la curiosité sur comment ils sont arrivés là, qu'est ce qu'il s'est passé. La deuxième partie du film tient plutôt sur les conséquences psychologiques de cette séquestration et même si la mise en scène perd de son intensité et de sa force, le film n'en reste pas moins intéressant. Entre les deux, une évasion émouvante merveilleusement bien mise en scène aussi bien par la mère que par le réalisateur.
La reconstruction familiale, physique, psychologique des personnages est tout à fait passionnante et bouleversante. Jack n'a connu que cette Room, il y est né et n'en est jamais sorti, il ne connaît de l'extérieur que ce qu'il voit à la télé. Alors comment croire sa mère quand elle lui raconte la vérité, comment imaginer ce qu'il y a de l'autre côté de la porte quand la seule chose dont il a conscience est ce qu'il voit dans la télé et à l'intérieur de leur pièce ? Comment s'acclimater aux autres, au bruit, à la lumière, aux microbes quand depuis sa naissance, il ne connaît que l'odeur de sa mère et de cette pièce ? Évidemment, cette adaptation crée des disputes entre eux, déchirantes parce qu'elle le protège en oubliant elle même ses propres souffrances et finit par imploser. Mais elles restent brèves car ils savent tous les deux qu'ils sont tout l'un pour l'autre. Il est ses entrailles, celui pour qui elle mourait, elle interdit d'ailleurs « Vilain Nick », l'homme qui les retient enfermés, de l'approcher. Elle est sa lumière protectrice, celle qui le rassure sans cesse, l'amuse, le fait vivre et comprendre le monde. Mais comment est-ce qu'on se remet de tout cela, personnellement déjà et à deux, avec la famille ? Les angoisses du petit garçon et la culpabilité de sa mère nous brisent le cœur. Et la bulle qu'ils se sont créés se heurtent au monde réel auquel ils doivent s'adapter désormais, celui que Jack doit découvrir et Joy, redécouvrir. La caméra du réalisateur nous donne tous les détails pour cerner et tenter d'appréhender leurs sentiments et l'enjeu vital de leur reconstruction psychologique aussi bien que le lien fusionnel et divin qui les unit.
Lenny Abrahamson rend compte avec réalité et qualité des sentiments des personnages. Les zooms sur les visages appuient le ressenti du spectateur et ce qu'ils sont beaux. Par le naturel de Brie Larson, visage à nu, fatigué, lassé, et l'innocence de celui de Jacob Tremblay, grands yeux noirs enfantins, sourire amusé, le réalisateur nous plonge au cœur de leurs émotions. Leur jeu est sublime, que ce soit le gosse ou la mère, ils sont épatants alors que ce n'est pas tâche facile quand pendant deux heures, les répliques leur sont données à eux uniquement quasiment. Oscar mérité pour Brie Larson et prestation remarquable et remarquée pour le jeune garçon qui a su manier toute la complexité de son personnage. Ça promet pour la suite.
Grâce à un bon scénario qui nous maintient impliqué tout le long du film et à une poésie aussi puissante que bouleversante, Room est un chef d’œuvre à ne louper sous aucun prétexte.
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Créée
le 23 mars 2016
Critique lue 347 fois
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