"Room in Rome" est un film bavard, ses deux héroïnes, parlent italien, russe et espagnol et on en apprends énormément sur elles. Julio Medem avec sa mise en scène détachée et originale tient à raconter son histoire et nous parler de ses personnages qui parlent plus avec des dialogues (les deux actrices sont extraordinaires de Naturel et de spontanéité) qu’avec des regards.


On pourrait faire une bio sur chacune d’entre elles mais elles se mentent mutuellement et donc à nous, comment elles s’appellent, qu’ont elles réellement vécues et que sont leurs vies ?


Elles se sont rencontrées dans un bar seules, elles ont buent et arrivent à l’hôtel de l’une d’entre elle : c’est là que le film commence. Le film, extrêmement riche en métaphores, est une histoire d’amour fantasmée et nous fait demander ce qu’elle est le véritable amour ? C’est quoi Aimer ?
Est ce que c’est parce que je couche avec toi deux nuits et qu’on passe un moment, que je suis amoureux de toi ? Le film nous dit plus un non formel qu’un oui.


Mais les héroïnes vivent, elles ont un passé, une histoire, qu’à coups de jeux de miroirs, de regards dans des peintures, elles inventent et on découvre la vérité, même le début nous fait comprendre que peut-être le reste du film ne sera qu’un fantasme : on entend certains bruits, les héroïnes se sentent et se savent observer. Elles parlent beaucoup mais jamais trop, se racontent des histoires mais la vraie au bout du compte qu’elle est elle ?


Alba, la brune assez petite, est espagnole, on ne découvre que sa vraie vie au bout de plus d’une heure après une série de mensonges dont Natasha (ou Sasha, on sait pas), semble parfois déconcertée sinon amusée, elle est lesbienne et a vécue deux ans avec une femme à San Sebastian et un de leurs deux enfants est mort peu avant la fin de leur relation, c’est une inventrice de matériaux environnementaux et Natasha / Sasha, est une jeune étudiante russe qui est sur le point d’épouser un homme qu’elle fréquente depuis quatre ans.


C’est aussi un cinéma minimaliste et à la fois ambitieux : minimaliste car le film se passe pour les 98 pour cent du temps dans une chambre d’hôtel et ambitieux pour ses références culturelles a des peintures, des lieux, des personnalités. Les deux héroïnes semblent vivre une histoire à part, dans cette chambre, il est ordonné dès le début par Natasha / Sasha que tout ce qui restera dans cette chambre ne sortira pas de cette chambre.


Le film est passionnant dans le fait que l’on ignore ce qui va se passer ensuite, riche en (petits mais grands) rebondissements, le film passe en un quart de seconde, de la comédie au drame, de sourires à la tristesse, de désir au repoussement.


Alors on sait des tonnes de trucs sur ces personnages et le film se finit : pourquoi avoir tant dit sur elles ? Julio Medem semble avoir une plus grande facilite avec les dialogues, car il peut les moduler comme les souhaite et faire dire ce qu’ils veulent à ses personnages.


Le film parle beaucoup de désir(s) et les scènes de sexe ne sont que des bonus ajoutés a un puzzle malin organisé par son réalisateur, afin d’y ajouter de l’intensité : "Room in Rome" est juste le temps de. Et c’est dans ces deux jours qu’on en apprends le plus.


Soudainement on voit Natasha / Sasha embrasser Alba ; elles se réconfortent mutuellement ; elles dansent sur des clips passant a la télé ; elles pensent le temps d’une scène a une autre vie ; elles sont aussi très réalistes sur leurs propres existences ; elles jouent dans un bain ; elles font l’amour ; elles s’ennuient. Le film ne pourrait être qu’un bon gros fantasme, sauf que c’est le regard délicat sur deux jeunes femmes liées par une histoire qu’elles n’oublieront sans doute jamais. Pour elles, elles n’ont jamais autant aimées quelqu’un que réciproquement.


C’est l’histoire d’amour la plus forte de toute leur vie et elles savent que c’est une histoire d’amour "a part", dans le temps de moments agréables, d’actes sexuels et d’ennui se transforment en désirs, en sentiments amoureux : c’est la perte de contrôle de tout.


"Room in Rome" est un film qui pose la question de la superficialité des sentiments amoureux, de la véracité de l’Amour avec réalisme et les deux personnages complexes et attachantes, se disent des choses que parfois seules elles semblent comprendre. Mais faire tout ce que les héroïnes font pendant deux jours : j’envie personnellement. Ici, pas de longs discours, ni de longs silences : c’est la musique qui porte sur le reste, outre Russian Red intelligemment placée dès l’ouverture du film, c’est rempli de chansons composées pour le film, parfois trop lourdes. ce sont ces pleins de choses que les héroïnes se disent ou chaque dialogue, chaque réplique semble être intéressante, nous en apprendre plus sur ces deux créatures mystérieuses et du fait que le film dure un peu plus d’1 heure 47, éphémère. Un film "à part" une fois de plus mais en même temps dans son temps : le présent, très contemporain.


Julio Medem, avec ses comédiennes peut se féliciter d’avoir fait un film aussi attachant, profond, réaliste et métaphorique. Le film ne se passe pas seulement dans une chambre d’hôtel et sur une place à Rome mais aussi quelque part en Espagne ou Alba montre une vidéo de sa vie sur son téléphone portable a Natasha / Sasha, deux enfants jouent et une femme apparaît et puis Alba sur un terrain neigeux et le temps de quelques secondes, immerger dans la vie d’une jeune femme que nous ne connaissons que depuis près d’une heure de pellicule.


Il y a outre les deux jeunes héroïnes et les personnages qu’elles citent, ce serveur qui se pointe plusieurs fois à la chambre et leur propose une fois une partie à trois pensant que ce qu’elles voulaient. La dernière scène où il apparaît, il la finit en chantant.


Entre intensité, euphorie, émotion, sexe, tendresse et tact, "Room in Rome" nous décrit avec une certaine délicatesse une histoire d’amour intense qui pourrait arriver à chacun d’entre nous. Alors qu’autour de nous, nous semblons nous aussi être confrontés à des murs (Natasha / Sasha se dispute avec sa sœur jumelle et donc va errer dans un bar ou elle rencontre Alba), nous rencontrons quelqu’un qui le temps de quelques heures, quelques jours nous fait du bien, nous réconforte et puis le destin revient en pleine face nous fait revenir dans notre vie bien morne.


Le retour à la réalité semble douloureux car tout cela avoir été fantasmagorique mais c’était bien vrai, juste le temps de. Une histoire qu’on adorerait vivre au moins une fois dans notre vie, connaître le Grand Amour même pour un temps très court. A un moment même les héroïnes pensent vivre ensemble à Rome et abandonner leur vie mais elles savent que ce n’est pas possible. Elles ne rêvent pas intensément. Nous un peu si songeurs de notre propre existence devant cette histoire, a posteriori banale, sinon extraordinairement juste et universelle. L’universalité est aussi un thème du film et se situant quelque part sur cette planète mais cette histoire pourrait avoir eu lieu a une autre époque, dans un autre lieu : c’est interchangeable ("Room in Rome" est un remake du film "En la cama", même concept, version hétérosexuelle), mais le désir, l’Amour est universel.
"Room in Rome" place génialement ses personnages dans une bulle. On se re-trouve forcément dans cette bulle.


Loving strangers - Russian Red

Créée

le 7 août 2021

Critique lue 212 fois

Derrick528

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