Depuis quelques mois, je pense beaucoup au deuil et à ma propre finitude, donc je me disais que le film allait forcément résonner avec ces pensées personnelles. Mais je pensais aller voir un joli film un peu "feel good" (si j'ose utiliser l'expression dans ce contexte) et en fait j'ai trouvé que c'était vraiment un grand film.
Déjà c'est très bien construit. La trame permet de se mettre naturellement dans une position d'empathie, de compréhension profonde des sentiments de Rose. Le fait d'ouvrir le film sur la dernière fête d'anniversaire de son mari, où l'amour entre eux est palpable et où Rose est encore inconsciente de sa maladie, permet d'approcher ne serait-ce qu'un petit peu sa détresse ensuite. Et ensuite le scénario est écrit avec beaucoup de justesse et de sensibilité. On nous propose de vivre avec Rose les ascenseurs émotionnels du deuil : on ressent avec elle la profonde tristesse, la détresse, la solitude, mais aussi la joie, la tendresse, la jubilation parfois. Et on vit avec elle le bouleversement identitaire que ce deuil déclenche.
J'ai trouvé Françoise Fabian vraiment excellente dans son rôle : elle fait passer énormément d'émotions par de légers gestes, expressions du visage, regards. L'évolution identitaire est amenée avec beaucoup de subtilité : j'aime bien qu'il n'y ait pas de scène clé mais bien une évolution lente et dont les petites étapes ne sont pas visibles hors du tout, et j'ai aimé aussi qu'elle ne soit pas linéaire et pas contrôlée.
La manière dont Aurélie Saada filme apporte énormément de réalisme, au sens où on se sent pris dans la vraie vie. Déjà parce qu'on filme de l'ordinaire, du quotidien, des choses qui sont souvent objets d'ellipse dans les films, ensuite parce que la caméra se fait oublier (par plein de procédés qu'on ressent sans les voir), ce qui nous donne l'impression d'être dans la pièce avec les personnages. Une scène qui m'a beaucoup marquée est celle du repas avec les amis de la fille, auquel Rose est invitée. On ressent ce que Rose ressent, de manière évidente, sans que ce soit trop poussé : au milieu de cette cacophonie, Rose est à la fois très entourée et hyper seule.
Le traitement des interactions avec les enfants est également très juste et servi par de très bons acteurs. Cela permet de questionner la figure de mère quand elle est âgée et que les enfants sont adultes, les injonctions qui pèsent sur elle, le retournement de rapport de force entre parents et enfants etc. Vraiment ça m'a beaucoup touchée.
La film se clôture sur un monologue de fin très fort (Françoise Fabian est tellement une queen OMG). On pourrait le taxer de cliché (j'imagine ?), mais perso je le trouve beau et très important. Rose dit aux personnages du film comme au spectateur : si tu as une lecture réac de mes choix, tu te gourres…et de toute façon je m'en bats les reins.