Rosenstern et Guildencrantz
Rosencrantz et Guildenstern sont des personnages secondaires. Si secondaires qu'on peut troquer l'un pour l'autre et l'autre pour l'un. Hamlet est Hamlet, Polonius est Polonius, pas de négociation possible. Mais si Rosencrantz est Guildenstern et que Guildenstern est Rosencrantz, peu importe finalement. Puisque Rosencrantz et Guildenstern doivent mourir.
Rosencrantz et Guildenstern sont des personnages secondaires. Certes. Et pourtant comme les autres ils ont été happés, tirés du néant abyssal dans lequel ils se trouvaient, un matin, comme ça, par un certain Shakespeare qu'ils ne connaissent pas. Ils sont invoqués dans une pièce, et la pièce finit toujours sur la même face. Si les lois de la physique subsistent, celles du hasard et de la probabilité ne sont plus. Rosencrantz et Guildenstern doivent mourir.
Mais Rosencrantz et Guildenstern sont des personnages secondaires. Du premier au dernier instant ils observent plus qu'ils ne participent. Tout tourne autour d'eux alors qu'ils restent passifs, incapables de comprendre pourquoi le meilleur ami dont ils ne se souviennent pas est fou. La pièce se déroule, et touche à sa fin, sans alternative possible, Rosencrantz et Guildenstern doivent mourir.
Rosencrantz et Guildenstern sont des personnages secondaires. Et pourtant ils sont, tout de même, l'espace d'un instant. Dés lors ils s'interrogent et découvrent, puisqu'ils ont du temps. S'ils sont incapables de prendre une décision ils peuvent tout de même questionner. Mais à quoi bon savoir, puisque inlassablement la pièce tombe du côté face. Seul l'acteur peut changer la pièce, la faire tomber du coté pile, mais il ne le fera pas, la pièce est déjà écrite. Et puis l'acteur, de tout façon survit, alors que Rosencrantz et Guildenstern, eux, sont morts.
Rosencrantz et Guildenstern sont des personnages secondaires. Sans cesse une nouvelle pièce sera lancée, sans cesse Rosencrantz et Guildenstern naitrons. Mais a chaque fois ce seront de nouveaux Rosencrantz et Guildenstern. Et ces Rosencrantz et Guildenstern là, comme les autres, mourront.