Le début est agaçant, filmé caméra à l’épaule, pour montrer la tension, l’agitation qui travaille Rosetta, pour nous mettre dans le ton du film, mais c’est désagréable, excessivement long et, je trouve, peu efficace. Le souci avec ce procédé dans ce film, c’est que Rosetta se déplace pas mal (elle réside dans un camping qui n’est pas tout près de la ville), elle s’énerve et se bat souvent d’où de nombreux passages pas forcément très agréables à suivre, avec une image tremblotante. Heureusement, l’épilepsie du début se fait quand même plus rare par la suite (mes excuses aux épileptiques qui n’ont pas mérité ça).
Le début du film est vraiment mauvais, avec le conflit entre une Rosetta proche de l’hystérie et une caricature de petit chef ou de sale patron qui ne la licencie pas mais la « remercie ». On se dit ouh là, on n’est pas dans la finesse. Mais là aussi, par la suite, le patron incarné par Olivier Gourmet a un rôle mieux écrit qui évite la caricature.
C’est tout de même une question qu’il faut se poser : ce qui nous est décrit ici est-il réaliste, les frères Dardenne n’emmènent-ils pas Rosetta un peu trop loin ? La relation entre Rosetta et son ami pouvait-elle évoluer ainsi ? Pour ma part, je trouve que le scenario est excessif, certains passages manquant de crédibilité. Certes, les frères Dardenne ont un message à faire passer, avec lequel je suis plutôt d’accord, mais il est regrettable qu’ils forcent trop le trait. Ces excès sont à mon avis préjudiciables à l’aspect documentaire du film qui a toutefois le mérite de pointer un phénomène de plus en plus courant, à savoir la grande précarité que l’on voit peu en général, et qu’il nous est plus confortable d’ignorer.
Les Frères Dardenne ont le mérite d’évoquer cette pauvreté, ces gens de plus en plus nombreux à habiter en caravane ou sous tente, cette violence de la société envers les individus. Rosetta connaît-elle autre chose que cette violence, celle des patrons qui la rejettent, celle de sa « famille » où elle doit gérer sa mère alors qu’elle sort à peine de l’enfance, celle du décalage avec le reste de la société ?
Rosetta nous marque, excellemment interprétée par une Emilie Dequenne impeccable, et accompagnée par Olivier Gourmet et un certain Fabrizio Rongione assez bons. Rosetta et son style inimitable, dont on se gausserait facilement si l’on n’était conscient de ce que cela pouvait signifier. Un style particulier quand même, avec sa petite jupe et son collant verdâtre surmontés d’une veste de survet bleue et rouge. Une Rosetta déterminée et débrouillarde, contrainte au système D. Mais qui a les nerfs à fleur de peau, et doit gérer sa situation mais aussi celle de sa mère alcoolique et encore plus paumée qu’elle. Rosetta est une combattante, elle ne lâchera rien, elle est prête à se battre, mais est-elle prête à tout ? Car il y a la tentation du vol et de la facilité, ou la tentation du pire.
Rosetta est ainsi le film d’une noyade, la jeune fille s’enfonçant dans la vase d’une existence qui n’a qu’un but improbable, la survie. Un film excessivement radical, frappant mais décevant.
Un peu dans le même style, en tout cas avec certaines problématiques proches, je vous recommanderais plutôt La raison du plus faible de Lucas Belvaux, à mon avis bien meilleur.