Red is dead
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le 25 août 2021
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Ce film ne brille pas spécialement par ses qualités cinématographiques, autant commencer par là. Bentoumi n'en est qu'à son second film (après le sympathique mais gentillet Good Luck Algeria, chroniqué sur ce site, il y a quelques années, par votre serviteur) et si sa réalisation est honnête, je ne suis pas ressorti du cinéma avec l'impression d'avoir vu, disons un Kubrick. Cela étant, les acteurs tiennent la route et le film est porté par le duo Hanrot - Bouajila, bien épaulés par les seconds rôles de Céline Sallette et surtout d'Olivier Gourmet, parfaitement crédible en directeur d'usine.
De façon générale, d'ailleurs et c'est là que je vais commencer à aborder ses qualités, le film brille par son réalisme dans la façon de décrire l'usine, ses travailleurs et ses dirigeants, leurs rapports sociaux, mais aussi les politiques et les médias. C'est une chronique sociale, d'une petite ville française, plutôt bien sentie, même si l'on pourrait trouver que, sur un plan strictement individuel, les personnages ne sont pas suffisamment creusés et que leurs rapports - de personne à personne, j'entends - sont mièvres et parfois trop imprégnés de pathos. Mais je doute que ce fut le propos du réalisateur de pondre une étude de mœurs; non, c'est une chronique sociale, qui du coup positionne ses personnages dans une société et ne vise pas à approfondir leurs caractères où leurs états d'âme.
Et c'est exactement en cela que, de mon point de vue, le film est très réussi. Très éloigné des mièvreries bobos dont un certain cinéma français est friand. Voilà un vrai film politique et social, auquel, du coup, je suis prêt à pardonner certaines maladresses cinématographiques. Il pose en fait avec beaucoup d'acuité un grand nombre de question, sans d'ailleurs y apporter de réponses, ce qui est en soi assez désespérant. Et il met en exergue l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui engluée une certaine forme d'engagement syndical.
Dans ce qui reste du tissu industriel français, tournent encore quelques dizaines d'usines fort polluantes, appartenant qui à de grands groupes industriels, qui a des fonds d'investissement. Elles sont évidemment soumises à une pression concurrentielle mondiale, et, partant à des impératifs de rentabilité. Alors faut-il, pour préserver l'emploi, fermer les yeux sur certaines largesses prises vis-à-vis de l'environnement et de la santé des salariés ? Où faut-il au contraire dénoncer publiquement ces usines, au risque de voir leurs propriétaires en délocaliser vers des pays où la réglementation est plus souple ?
C'est en définitive toute la question que pose Rouge, à travers l'affrontement père-fille qui se joue tout au long de l'intrigue. Il y a le père, syndicaliste et salarié depuis 27 ans dans l'usine, qui a appris à fermer les yeux sur certaines pratiques de rejets d'effluents mortifères dans la nature et sur les maladies professionnelles que cela engendre. Parce que c'est sa vie, parce que l'usine crée du lien social dans leur petite ville, que toute sa famille et ses potes y travaillent et que si ça ferme l'endroit devient socialement sinistré. Déboule sa fille, infirmière nouvellement embauchée dans l'usine, qui découvre les problèmes de santé générés par l'usine depuis de longue sont enterrés sous une chape de plomb, avec la complicité bienveillante des représentants politiques et de la préfecture.
Emploi ou environnement ? Le truc apparait insoluble et c'est exactement je crois ce que Bentoumi veut nous dire. Que notre monde en est arrivé à un point où il n'est plus possible d'avoir les deux à la fois. Et que surtout, quelque soit ce qu'on va tenter, ce seront les plus faibles qui trinqueront. Dans une des répliques clés du film, Bouajila va dire à sa fille : "Que voulais-tu que fasse ? de toute façon, nous, on n'a jamais droit à la parole ! ". Et sa fille, en tenant envers et contre tous de faire éclater la vérité, va se voir instrumentalisée d'abord par une journaliste, puis par une ONG de défense de l'environnement, de telle sorte que c'est elle qui va prendre tous les risques, et, finalement, laisser des plumes dans l'affaire.
Le film nous enseigne ainsi que la division des couches sociales les plus défavorisée n'a jamais été aussi forte et fonctionne finalement très bien pour le plus grand bénéfice de la classe dominante. Si c'est une conclusion plutôt plombante, il faut reconnaitre que Rouge fait très bien passer ce message. Avec des images finales qui laissent tout de même planer un léger parfum d'espoir...
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Créée
le 12 sept. 2021
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