RRR
7.7
RRR

Film de S.S. Rajamouli (2022)

Se soulever, rugir et se révolter. Quel beau titre plein de promesses et S.S. Rajamouli propose durant 3H un melting-pot de situations furieuses, de cascades rocambolesques, de grands sentiments exacerbés si naïfs qu'ils font chaud au cœur et une pincée de romantisme hors frontière, vite remisée au profit de la violence des échanges. Ce qui pourra étonner pour le genre, mais qui ravira bon nombre de ses adeptes. Bien éloigné des Bollywood, le plaisir ne se boude pas, même si les situations reprennent un certain nombre du cahier des charges du Blockbuster qui se respecte, il garde sa signature indienne colorée, chantée et dansée, aux chouettes coordonnés vestimentaires.


A grands renforts de ralentis et d'accélérations aléatoires, d'un rythme parfois défaillant et de quelques longueurs par l'introduction des trois chapitres, entre contexte, portrait des différents personnages, percées historiques et cœur de l'action, ce sont dans la même veine sentimentale, nombre de flashback aux grands yeux mouillés, que l'on subit curieusement sans trop de dommages, contrebalancé par le portrait du colonialisme, avec de méchants anglais abusifs, chasseurs de trophées et adeptes du fouet. La subtilité ne sera pas le maître mot laissant la part belle à l'action débridée et aux moments de bravoure, dont on se régale à chaque mandale bien sentie. On jubile aussi avec une danse guerrière, au milieu d'une foule peu encline au partage. Une jolie métaphore de la lutte acharnée contre l'oppresseur et le déni des valeurs culturelles. Parfaitement jouissive et communicative par son dynamisme à tout épreuve, nous vient à l'esprit la technique imparable du pas de danse de Danush dans Jagame Thandhiram.

Si les effets numériques ne sont guère convaincants, les chorégraphies et les mouvements de caméra marquent la maîtrise du cinéaste et ne laissent aucun répit. Et dès lors qu'une femme se prend un grand coup de gourdin au travers de la figure, on sait enfin à quoi s'attendre dans le délire à venir et la crainte des premières images, laisse place à un enthousiasme communicatif.


Raju doit voler des armes pour mener à bien sa révolution, infiltre l'armée anglaise, s'acharne et monte en grade, pour finir par arrêter le semeur de trouble Bheem, devenu son ami, qui lui, cherche à sauver Malli, une jeune fille de sa tribu kidnappée par le gouverneur pour lequel travaille Raju. Tout un programme. (Ray Stevenson donne toute la hargne que l'on attend de son personnage, accompagnée d'une épouse cruelle jouée par Alison Doody, malheureusement, bien peu convaincante).


Et si nous ne saurons pas tout de la vie de ces deux hommes courageux, ce délire visuel nous permettra de nous y intéresser. Komaram Bheem (Rama Rao Jr.) figure de la lutte tranquille et dont on ne peut qu'être solidaire, d'autant plus aujourd'hui, de son slogan Eau, Forêt, Terre. Revu en mode super combattant, empathique, aux mouvements de têtes si reconnaissables chez les indiens, montrant tour à tour l'acquiescement que l'interrogation sans trop reconnaître nous-mêmes, ni l'un ni l'autre. Et le non moins super héros Alluri Sitarama Raju (Ram Charan), aux exploits guerriers plus marquants, dont on aura un bien bel aperçu de ses ressources -fictives et improbables- à la gestion déliée du bâton, pendant près de 4 minutes non stop de combats survoltés et surhumains qui nous met dans l'ambiance et confirme la direction excessive et généreuse de l'exercice. La force dévastatrice de ses coups, doté d'un physique musclé et huilé comme il se doit, et une scène de combat final qui nous rappellera qu'il était réellement surnommé par ses pairs, le roi de la jungle, ici, cheveux au vent, torse nu et au regard peu commode, balançant avec une facilité déconcertante des grenades à l'aide de son arc...Bheem ne sera pas en reste en balançant lui aussi au gré des opportunités, motos et tout animal à sa portée, à qui lui cherche noise.


Seul le florilège animalier en CGI, fait tâche, mais on apprécie malgré tout le côté revanchard d'une antilope bien cornue, soutenue de tigres, léopards et autres ours venus prêter main forte à la cause, en se trompant parfois de cibles. C'est sans compter Bheem qui les renvoie dans la bonne direction par la force de ses bras. Le cinéma ouvrant le champs des possibles, l'hommage à ces deux révolutionnaires des années 20 et au destin tragique, sera l'occasion de nous prouver qu'à toute action humaniste, rien ne devrait être impossible.


On reste bien souvent perplexe des choix de nos deux guerriers mais on s'amuse de la capacité de Raju à tellement rester dans le secret, qu'il n'hésitera pas pour ne pas se dévoiler, à faire subir à son nouveau meilleur ami les pires tortures quitte à le tuer. Mais Bheem qui se protège du feu avec un drapeau, en a vu d'autres. Il nous gratifiera même d'une capacité à défier la pesanteur, portant Raju blessé sur ses épaules, virevoltant et semant le bruit et la fureur alentour, les deux comme un seul homme. Sauter avec agilité et grâce, suspendus dans les airs, arrêt sur image, tel est le crédo de nos deux révolutionnaires infatigables qui finiront par se rejoindre au bout d'un certain nombre de péripéties toutes plus dangereuses les unes que les autres. Un duo d'enfer, flammes et feu compris, et pour nous l'envie tout d'un coup de se remettre au sport et à son utilisation détournée.


Le cinéaste choisissant de passer outre la crédibilité des situations pour nous divertir, à défaut de creuser le contexte historique, on adhère ou pas à des effets parfois kitsch ou redondants, mais les textes chantés et fédérateurs se dégustent comme une boisson bien fraîche, et on se laisse aller à la musique entraînante de M.M. Keeravaani avec toute notre bonne volonté.

Il y a un homme d'acier

dans chaque ruelle et chaque foyer

des braises ardentes, des braises impétueuses

elles peuvent faire trembler la terre

et briser les barrières

mais on se régale de celui-ci

Son arc est aussi puissant que celui du seigneur Shiva

dont le son terrifie ses ennemis

Rama descendant de Raghu

le plus grand des guerriers

Son charme impérial sans égal

Son charme impérial sans égal

Malgré ses défauts, ce déferlement d'action offrira un moment jubilatoire et décomplexé, à qui se laissera tenter.

limma
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le 26 juil. 2022

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