Rubber ou l'art du "no reason". Vraiment?


Rubber, Quentin Dupieux, 2010.



/!\spoiler alert /!\


Rubber est un hommage au cinéma de «no reason» mais qui n’est finalement pas dénué de sens. Le film s’ouvre tout de même sur une scène illustrant ce terme. Une voiture arrive et heurte les chaises entreposées là, sans aucun sens, sur cette route du désert californien. L'homme à la cravate, le comptable est planté au bout de la route, tenant de nombreuses paires de jumelles.
Pourquoi ? Me diriez-vous.
Très vite des réponses arrivent. Le lieutenant Chad descend du coffre de la voiture et prend un verre d’eau. Il s’approche de la caméra, nous regarde fixement et nous explique l’importance du «no reason» au cinéma en nous citant bon nombre de références. Enfin, il annonce que ce qui va suivre est un hommage à ce « no reason » et nous souhaite un bon visionnage. Naturellement, il vide son verre d’eau sur le sol et se réinstalle dans le coffre. Nous voyons apparaître le véritable public à qui l'homme à la cravate distribue les jumelles en leur demandant de s'installer pour la séance. La musique se lance, puis débute le générique d’ouverture.


L’histoire, au premier abord est très simple. On nous décrit l’aventure d’un pneu psychopathe, tuant par télékinésie et tombant éperdument amoureux de la fille à la voiture rouge, Sheila. Dans un élan de désir de conquête, il se lance à sa poursuite tentant un rapprochement. S’attaquant tout d’abord à divers objets, il se rend vite compte de l’étendue de son pouvoir consistant à concentrer sa pensée afin de faire exploser l’ennemi. Il va donc s'expérimenter sur des insectes et animaux d’abord, sur des humains ensuite.


Les plans de Rubber, film qui semble au premier abord être grotesque et dépourvu d'émotions, traduisent pourtant très bien par personnification les «sentiments» du pneu, passant du sentiment amoureux à la tristesse et au désespoir, puis par la colère et la vengeance. Le montage est également minutieusement travaillé donnant un certain rythme renforcé par la musique de Mr.Oizo (alias Quentin Dupieux).


Parmi le petit groupe de personnes regardant dans les jumelles, certains ne peuvent s’empêcher de commenter ce qu’ils voient, d’autres se plaignent ou se taisent ou encore étalent leur science. Belle métaphore des salles de cinéma et de notre propre condition de spectateur.
Mais cette activité sera vite mise en désordre par la mort subite des spectateurs causée par leur gloutonnerie. Seul un spectateur subsiste ; l’homme en fauteuil qui n’a rien mangé préférant se concentrer sur les scènes à venir.
Chad ainsi que ses collègues se mettent à enquêter sur le meurtre de la femme tenant le motel (excusez mon oubli pour son nom) quand Chad lui-même interrompt la scène annonçant que tout est fiction. Mais l’homme à la cravate arrive ; un spectateur n’est pas mort, il faut donc continuer le film.


Finalement, une fois le comptable mort, le dernier spectateur se rapproche de la scène du dénouement. Une stratégie est mise en place pour tuer le pneu mais celle-ci ne fonctionne pas. Le spectateur, impatient et n’aimant pas la ruse élaborée, manifeste son mécontentement. Chad en a assez et décide de régler une bonne fois pour toute cette histoire. Il entre dans le mobile-home, on entend une série de tirs puis ressort avec la carcasse de Rubber.


Un tricycle apparaît, c’est la réincarnation du pneu. Il explose par la pensée le dernier spectateur et se rend devant le panneau Hollywood accompagné d'autres pneus.


Quel film absurde, mais quel plaisant visionnage doté de divers messages subliminaux, sur la condition du spectateur, mais aussi sur celle des acteurs et du réalisateur.
J'ai aussi dans ce film retrouvé certaines similitudes avec les idées du Duel de Steven Spielberg où nous faisons face à un camion au conducteur inconnu poursuivant le personnage principal nous plongeant par le simple maniement de caméra, par le montage et la musique dans un univers stressant et inquiétant.

valpiinçon
8
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le 21 mars 2020

Critique lue 205 fois

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