Le moins qu'on puisse dire, c'est que pour une histoire de pneu, ça sort sacrément des sentiers battus : "Après avoir assisté à un incendie de pneus, Robert le pneu décide de venger son peuple". Derrière ce pitch à la gomme se cache un film qui en plus de son humour absurde dévastateur, propose une mise en abîme vertigineuse, une ambiance tendue comme un câble de frein, des acteurs en roue libre et une esthétique pas piquée des crampons…
Tourné à l’appareil photo par ce drôle d’Oizo de Quentin Dupieux, Rubber n’est probablement pas un "grand" film, mais c’est, sans aucun doute, la chose la plus rafraîchissante qu’il m’ait été donné d’observer depuis bien longtemps. Au bout de seulement 10 minutes de métrage on est assez déconcerté pour s’attendre à tout et surtout à n’importe quoi, tant le film part dans tout les sens. Et pourtant on reste accroché par les changements de tons radicaux, l’esthétique léchée, la qualité du jeu d’acteurs et les dialogues savoureusement absurdes.
De plus le film propose une réflexion assez intéressante sur la relation entre un film, son auteur et le public. Qui est le maître à bord ? Qui impose sa vision du cinéma ? Les auteurs/acteurs qui en tant que fabricants décident de ce que sera le film ? Le spectateur qui imprime le film de ses références, sa culture, sa sensibilité ? Où alors le film lui-même, objet incontrôlable et doué de sa dynamique propre, comme Robert le pneu anti-héros, qui prend la direction qu’il souhaite sans jamais combler les ambitions de ses créateurs ni les attentes des spectateurs ?
Une œuvre radicale, aussi stupide qu’intello, aussi inutile qu’indispensable, aussi inquiétante qu’amusante, qui nous éloigne pour notre plus grand bien des habituelles recettes, usées jusqu’à la corde.