Fuir ou courir après ce film.
Avec un univers a priori teenmovie et Thomas Jane au casting, on peut s'attendre au pire (Vice avec Willis (pas l'excellent biopic avec Bale), The punisher (pas la meilleure adaptation avec Ray Stevenson), Grizzly maze...) comme au meilleur (The mist, Crown vic déjà chroniqué par mes soins, Boogie nights, White bird...).
Eh bien belle surprise me concernant, Run Hide Fight dépasse largement le Q.I. moyen des drames/action movies. La réalisation rugueuse et précise de Kyle Rankin, également l'auteur du script, fait mouche dès les 1eres secondes. La rude scène de chasse fonctionne (pauvre cerf) précédant celle tendue de la cuisine où les enjeux dramatiques sont posés en 2 minutes d'affrontement psychologique bien senti.
Mais ce qui frappe surtout dans le récit est la qualité des dialogues, denses et acérés, et le traitement sec et lucide des sujets traités. Par sujet je veux dire autant celui de l'épreuve du deuil au quotidien (d'ailleurs l'astuce trompeuse de la présence de la mère dans la cuisine est bien vue) comme la protagoniste principale. Le jeu magnétique et sensible d'Isabel May sied parfaitement à son personnage meurtri et méfiant. May crève d'ailleurs littéralement l'écran, loin devant les plus mainstream et médiatisées Chloë Grace Moretz ou Elle Fanning (je suis d'ailleurs un peu étonné d'être le seul ici à le souligner actuellement ;)) . Sans pathos ni monolithisme (plus cher à ce bon vieux Thomas Jane), May et la mise en scène immersive intensifient le récit. Même avec un Treat Williams vieillissant dont l'embonpoint ne réduit pas trop son charisme d'antan.
Bon point également pour la caractérisation de la jeunesse périurbaine que l'on suit dans couloirs et classes : le portrait esquissé est frais, nuancé, impertinent et assez réaliste. Même si les adultes sont en arrière-plan, les problématiques actuelles inhérentes à la vie scolaire (réseaux sociaux, humiliation, pression, tribalisme, choc générationnel, passage contrarié à l'âge et amour adultes..) sonnent assez juste, à l'image de la complicité du jeune duo "intello" à la verve salvatrice face au conformisme réducteur de la popularité. La mise en place des indices annonçant le drame se glissant naturellement dans l'apparente morosité lycéenne.
Avec un 1er carnage au déroulé effroyablement efficace, la suite est presque aussi réussie jusqu'au dernier tiers où l'invraisemblance héroïsante incluant la scène finale de trop (à l'instar de Die hard 3) pointe son nez et plombe le rythme. La fiction jouissive prenant malheureusement le pas sur le drame social avec la revanche badass sur des bad guys aussi originaux que glaçants. Le chef empruntant la gouaille macabre et l'ironie narcissique du dernier Joker.
Heureusement, l'écriture poussée et inspirée de la transcendance de Zoé comme celle des interventions poignantes et formatrices de sa mère ( jouée avec flegme par la toujours aussi belle Radha Mitchell) maintiennent Run Hide Fight largement au-dessus de la moyenne de ces films à 1,5 million de dollars. On est loin de la maestria indé de l'Elephant palmé d'or (dont RHF s'inspire dans l'approche clinique et badine même si ce n'est pas ici son sujet principal ) mais aussi des DTV sans âme ni maturité. La résolution comme la morale de l'histoire peuvent sembler contradictoires ou réactionnaires sauf si nous faisons fi de calquer nos propres moeurs et modèle social à celui nord-américain.
Axant son thème sur la vie post-deuil entre les scènes de bravoure, Run Hide Fight témoigne en tout cas de la violence contagieuse consubstantielle aux States avec la sincérité et la rigueur suffisantes.