Prodigieuse grosse production et deuxième expérience US pour Andreï Kontchalovski après le superbe et déchirant Maria's Lovers Runaway Train se fraye un chemin glorieux et surprenant vers le genre peu évident du film catastrophe, adapté du scénario pragmatique et doué d'enjeux solides du grand Akira Kurosawa. Attribuant le rôle principal à Jon Voight le réalisateur russe lui offre un personnage de composition littéralement énorme, sorte de bête fauve aux résonances shakespeariennes faisant fi de toute pitié et de toute abnégation. Figure abstraite, incarnation du Mal proche de l'archange sadique et mythologique Oscar Manheim rejoint les grandes légendes méchantes et démoniaques de l'Histoire du Cinéma, monstre bâti de toutes pièces dont la démesure est à la hauteur des moyens techniques mis à disposition de Kontchalovski pour son film.
Impressionnant, palpitant et rondement mené par le cinéaste et son équipe Runaway Train arbore une identité clairement continentale et hivernale, tenant lieu dans une Alaska évoquant sans ambages les terres neigeuses du précédent et remarquable Sibériade tourné quelques années plus tôt par Andreï. Classique et linéaire le récit va d'emblée à l'essentiel, privilégiant la psychologie de sa poignée de personnages à la vraisemblance des situations développées... Il en résulte une oeuvre proche de la parabole existentielle, lyrique et délibérément grandiloquente réservant un antihéros qui restera sans conteste dans les annales du Septième Art. Par ailleurs le personnage de jeune détenu campé par Eric Roberts épaissit admirablement la substance dudit métrage, également soutenu par celui de la jeune machiniste servant de contrepoint positif à un film réalisé sous le signe d'une humanité proprement désespérante, s'éloignant sans retour vers un enfer irréel et débarrassé de toute bienveillance. L'un des meilleurs films d'action des années 80, à voir absolument et à revoir régulièrement !