C’est un Ron Howard en roue libre et très inspiré qui signe ici ce film en bel hommage à la rivalité historique entre James Hunt et Niki Lauda.
D’un côté, un pilote issu d’un milieu plutôt modeste. Le talent inné, l’insouciance, l’humour et le flegme britanniques, le tombeur, bref, la belle vie et tous ses petits plaisirs. Sexe, alcool, tout est bon lorsqu’on n’est pas sur la piste.
De l’autre, issu de la bourgeoisie autrichienne, la rigueur germanique, le sérieux, le travail, le dévouement total. Droiture et esprit calculateur que son surnom d’ "ordinateur" confirmera s’il en était encore besoin.
Sur le papier, ce biopic constitue une affiche qui met Lauda la bouche (d’incendie…). Et à l’heure de dérouler son récit, tel un moteur sur-vitaminé, ou encore un félin dans son élément, j'aime autant vous dire qu'il ronronne, Howard !
Etre pilote de Formule 1 dans les années 70, au-delà des nombreuses qualités techniques, mentales et physiques nécessaires, et indépendamment du talent requis, c’est avant tout accepter d’avoir 20% de chances de mourir à chaque Grand Prix. Par conséquent, pas besoin de s’appeler Riccardo pour être envoyé ad Patrese…
On ne peut pas dire qu’il y ait eu dépassement de budget, du haut de ses 38 millions de dollars estimés, pourtant la première chose qui marque dans "Rush", c’est le visuel. L’image fait très "70’s", et le travail de reconstitution historique, à commencer par le monde de la course automobile, est saisissant.
Howard a déclenché le turbo et a su s’entourer, de Niki himself déjà, en tant que consultant. Et le résultat s’avère payant, c'est un plaisir de retrouver la Scuderia aux prises avec McLaren. Les séquences de courses sont criantes de vérité ! Une foule de détails réalistes et autres partis pris visuels les parsèment, de la fameuse Tyrrell P34 à 6 roues, à la caméra posée sur une suspension, jusqu’au passage de vitesse nerveux sur une bonne vieille boite mécanique, l'ensemble constitue un vrai régal.
De plus, Howard met la gomme et propose une mise en scène très dynamique, assez inhabituelle au milieu des films du réalisateur que j’ai pu voir jusque-là. Il reconstitue un certain nombre de moments clés de la vie des deux pilotes, presque image par image, du crash de Lauda au Nürburgring, jusqu’à la course dantesque sous une pluie battante, épreuve décisive et suicidaire, du Mont Fuji 76. Le spectateur peut ainsi se rendre compte du fossé qui sépare cette époque de la nôtre, en ce qui concerne la sécurité des pilotes notamment.
Au chapitre des acteurs, Daniel Brühl (un nom prédestiné à ce rôle comme certains l’ont déjà souligné) campe un Lauda peu loquace au destin à la fois tragique et flamb(oy)ant. Chris Hemsworth a laissé son marteau divin aux stands, et incarne à merveille un James Hunt à la fois boute-en-train et flambeur. Les scènes se suivent avec grand plaisir, nous narrant les temps forts de ce duel au sommet, et experts comme profanes en matière de sports automobile y trouveront leur compte.
Hans Zimmer est également de la partie et n'en fait pas trop, même si l'on reconnaitra son style dès les premiers tours de roue. Toute cette débauche contribue à l'immersion du spectateur, qui sentira quasiment l'odeur du carburant depuis son fauteuil. Un véritable feu d'artifice sensoriel. Un Empire d'essence.
Inutile de se braquer ou de chicaner donc, car sans détour, Ron Howard est adroit comme jamais pour piloter son dernier film. Il franchit le drapeau à damiers en rendant une copie limpide, et emmène le spectateur dans son sillage.