Ron Howard fait du Ron Howard. Hans Zimmer fait du Hans Zimmer.
Rush est un excellent film. Le genre de film dont on ressort content, vraiment content. Appréciant depuis longtemps la F1, le sujet m’intéressait, d’autant que je n’ai que des connaissances parcellaires sur l’histoire de ce sport et que j’avais donc l’occasion de combler une lacune de ma culture.
Comme de coutume, Ron Howard livre avec Rush un film sans défaut, efficace et prenant. C’est une caractéristique de ce réalisateur que j’aime beaucoup, d’une régularité remarquable. Comme à chaque fois, néanmoins, je n’arrive pas à y voir un chef-d’œuvre (raison pour laquelle j’ai mis 7, après avoir longtemps hésité à mettre 8), car précisément Howard a peut-être une manière de filmer assez « discrète » : il s’efface devant son sujet. Mais je ne vais pas bouder mon plaisir pour autant.
Au-delà des scènes de Formule 1 qui sont passionnantes et, je crois, assez fidèles, le propos-même de Rush est captivant : cette rivalité entre deux pilotes exceptionnellement doués et à forte personnalité, mais de caractères opposés : James Hunt et Niki Lauda. L’un est le feu, fantasque, flamboyant, passionné et instable ; l’autre est la glace, méthodique, distant, génial, inébranlable. Les acteurs, Chris Hemsworth et Daniel Brühl, sont d’ailleurs très bons dans l’incarnation de leurs personnages respectifs et favorisent une réelle empathie.
Le pilote de F1 (en tout cas dans les années 70) joue perpétuellement avec sa vie et ne fait que jauger et maîtriser des risques, sauf lorsque ceux-ci lui échappent. Si Hunt s’en amuse et joue avec le feu en permanence, Lauda quant à lui réduit l’incertitude et optimise sa performance pour ne pas avoir à transgresser la discipline qu’il se fixe. Chacun veut exceller à sa manière, et chacun est irrémédiablement seul dans sa quête. L’irrégularité et l’impatience de Hunt lui vaudront de longtemps demeurer le pilote capable de briller sur un Grand Prix, mais contraint de regarder son rival dominer dans la longueur le Championnat du Monde.
J’ai deux petits regrets, néanmoins : d’une part, la convalescence de Lauda après son accident me semble expédiée très vite, ce qui atténue la portée de son combat contre la blessure et la douleur pour revenir au plus haut niveau. D’autre part, hormis nos deux protagonistes, tous les autres personnages (notamment féminins, qui ne devraient pourtant pas être négligeables, vu le scénario) sont assez transparents, ou, du moins, sans relief. Ils ne font que graviter autour de Hunt et Lauda, sans rien d’autre.
Mais il serait injuste de s’attarder sur ces déceptions mineures, car l’impression globale est très positive. Ces pilotes ne sont jamais aussi vivants qu’en frôlant de si près la mort… Si je ne devais retenir qu’une scène, je pense qu’il s’agirait de l’abandon de Lauda. Impressionnant. Lui qui dominait le Championnat, qui a eu son terrible accident au Nürburgring, qui s’est battu durant des mois contre la douleur pour revenir défendre héroïquement son titre, il finit avec le plus froid panache par renoncer lors de la toute dernière course, ne voulant pas courir un risque trop important en raison des conditions météorologiques désastreuses… Il assiste donc, impassible et sans morgue, au triomphe improbable de son rival tête brûlée, avec la désarmante sérénité de savoir avoir eu, quand même, raison, et d’avoir épargné à son épouse de revivre le dramatique épisode qui l’avait presque vu mourir… De rivaux se méprisant mutuellement, Hunt et Lauda finiront par se vouer une admiration réciproque, magnifiant leur duel épique et, pour ainsi dire, inachevé.
Emouvant parfois, toujours captivant, intelligent notamment dans sa conclusion (quelle scène à la fin entre Hunt et Lauda !), Rush est véritablement l’un de mes plus gros coups de cœur cinématographiques de cette année 2013 et il peut légitimement briguer quelque récompense aux Oscars. Porté par une musique toujours excellente de Hans Zimmer, c’est un spectacle d’une très grande qualité, qui mérite pleinement les éloges reçus !